Risques – Nouvelle-Aquitaine : Une carte géologique de l’Aquitaine au 1/250000 : un support adapté aux enjeux régionaux

Cavités souterraines, Mouvements de terrain, Risques naturels

10/12/2019

De nature très hétérogène et influençant grandement l’aménagement du territoire, la géologie de l’Aquitaine est un patrimoine souterrain méconnu qu’il convient de préserver, de valoriser et de diffuser car il constitue le trait d’union entre la nature (environnement, faune, flore) et notre société (patrimoine bâti, usage des ressources naturelles, paysage). La mise en cohérence des données géologiques sur l’Aquitaine, fruit d’un travail cofinancé par la Région Nouvelle-Aquitaine et par le BRGM avec le concours du Fond européen pour le développement régional (FEDER), est ainsi proposée sous la forme d’une carte harmonisée au 1/250000.

Représentant un territoire de près de 42000 km², l’Aquitaine constitue le lien sur la façade Atlantique, entre le Massif central au Nord-Est et le Massif des Pyrénées au Sud. Edifiés à l’occasion de plusieurs épisodes orogéniques[1] intenses, ces deux massifs sont constitués de roches éruptives et métamorphiques localement sous couverture sédimentaire. Au centre, la bordure océanique du Bassin aquitain est le siège de l’accumulation sur plusieurs milliers de mètres de dépôts marins puis continentaux issus du démantèlement de ces deux grandes chaînes montagneuses. Cette histoire géologique, et les dépôts qui l’ont accompagnée, ont façonné les paysages de la région et sont à l’origine de leur très grande variété. On peut y distinguer, du nord au sud, quatre sous-ensembles (voir figure 1) : le Périgord, le Bordelais, les Landes et l’ensemble pyrénéen avec la chaine et son piémont.

[1] Orogène : ensemble de phénomènes géologiques aboutissant à l’édification d’une chaine de montagne.

Figure 1 : Ensembles naturels de l’Aquitaine © BRGM

 

L’Aquitaine historique est représentée par 5 départements qui sont couverts par 97 cartes géologiques à l’échelle 1/50000 (voir figure 2). En effet, après plus de deux siècles de levers et d’études géologiques, le BRGM et l’ensemble de la communauté des géosciences disposent d’une connaissance approfondie du sol-et du sous-sol français. La carte géologique de la France à 1/50000 constitue l’aboutissement le plus récent de cette démarche exemplaire. Ce programme étalé sur 70 ans a permis la réalisation de 1060 cartes d’une superficie généralement comprise entre 500 et 560 km² couvrant la totalité du territoire national suivant le découpage de l’IGN.

 

Figure 2 : Carroyage de la couverture cartographique au 1/50 000 de l’Aquitaine

 

Pour synthétiser cette information, la réalisation d’une carte au 1/250000 reprenant l’ensemble des données géologiques acquises est proposée. Elle constitue un compromis idéal pour répondre à de nombreux usages, que ce soit pour des questions relatives aux travaux d’aménagement, à la gestion des risques liés au sous-sol (retrait/gonflement, mouvements de terrain, cavités), aux ressources minérales, aux ressources en eaux, à la géothermie, à la gestion des continuités écologiques, etc. C’est aussi un support à portée pédagogique très bien perçu par les enseignants, les associations, les parcs ou réserves naturelles pour mener des actions d’éducation à l’environnement mais aussi faire comprendre la lecture des paysages, l’utilisation des ressources naturelles ou bien l’implication de la géologie dans l’histoire humaine.

Ce travail de synthèse géologique à l’échelle régionale bénéficie donc de travaux cartographiques déjà existants. Toutefois pour le mener à bien et passer des 97 cartes géologiques à l’échelle du 1/50000 à une seule carte au 1/250000, plusieurs étapes sont nécessaires :

  • Harmonisation des cartes géologiques existantes au 1/50000 ;
  • Adaptation des données pour une lecture à l’échelle du 1/250000 :
    • Regroupement des unités/formations géologiques et validation scientifique par un collège d’experts ;
    • Sélection des structures tectoniques majeures et gommage du détail ;
  • Mise à jour de la carte à partir de nouvelles connaissances acquises ;
  • Mise en œuvre d’une charte de couleur adaptée, édition d’une carte SIG et d’une version imprimable ;
  • Rédaction d’une notice technique avec l’appui d’un collège d’experts.

Un aperçu général de ces travaux est présenté dans les chapitres suivants.

Harmoniser l’existant

Les cartes géologiques au 1/50000 ont été réalisées à différentes époques (voir figure 2), et ont souvent été levées par des géologues ayant pu interpréter différemment les données du sous-sol. L’évolution des connaissances et des concepts géologiques, les différentes spécialités des géologues et la variabilité en terme d’interprétation des données de terrain entraine en effet régulièrement des discontinuités géologiques importantes entre deux cartes contiguës.

La surface de chaque département français est couverte par une vingtaine de cartes géologiques à 1/50000. Au fil des années et au gré des différents projets réalisés par le BRGM, un travail d’harmonisation qui consiste à les rendre cohérentes entre-elles a été établi pour chaque département (voir figure 3). Ce travail se fait uniquement à partir des cartes existantes sans intervention nouvelle sur le terrain.

Figure 3 : Harmonisation des contours géologiques : exemple du département de la Dordogne

 

Au démarrage du projet, il existe donc 5 cartes géologiques harmonisées départementales basées sur la cartographie régulière à 1/50000 de la France et qui en constitue ainsi un produit dérivé. Il est nécessaire de garder à l’esprit que ce travail d’harmonisation rend compte de l’état actuel de la cartographie dans le département considéré : l’harmonisation réalisée efface et adapte les hétérogénéités observées en limite de cartes mais n’obère pas les hétérogénéités existantes d’une carte à l’autre en dehors de ces zones de limites.

C’est donc à partir des 5 cartes départementales harmonisées existantes[2] que la synthèse de l’Aquitaine à l’échelle du 1/250000 a été établie. A la différence près de la superficie et de la géométrie de la limite extérieure des cartes, qui sont cette fois-ci administratives, le travail d’harmonisation à l’échelle régionale suit globalement la même méthode que celui décrit ci-dessus concernant l’harmonisation à l’échelle départementale.

Cette mise en cohérence régionale des données est la base nécessaire à la poursuite des travaux pour la synthèse géologique de l’Aquitaine.

[2] Pour la Dordogne, la Gironde, et le Lot-et-Garonne, il s’agit de documents non publiés actuellement.

Adapter les données

Pour poursuivre les étapes dans l’élaboration de cette carte au 1/250000 la seconde phase vise à améliorer la lisibilité de l’information géologique pour la faire correspondre à l’échelle que l’on souhaite représenter. A l’image des cartes IGN, où les niveaux de détails sont moins précis à mesure que l’on diminue l’échelle de sortie, on va chercher dans notre cas à diminuer le nombre d’unités géologiques ainsi que de détails structuraux à figurer sur la carte.

Sur un territoire donné, une carte géologique identifie les limites qui séparent des unités à l’affleurement auxquelles on associe une description spécifique : faciès, lithologie, minéralogie, stratigraphie (âge de la roche), environnement de dépôt, etc. Le travail consiste ainsi à lire les informations disponibles et à effectuer des regroupements d’unités ou de formations géologiques de manière cohérente et qui font sens scientifiquement. L’objectif du projet étant d’aboutir à l’élaboration d’une carte de référence partagée, ce travail a été conduit avec la collaboration d’un ensemble de scientifiques spécialisés dans la géologie du territoire aquitain. Ce collège d’experts est constitué de géologues du BRGM, de géologues chercheurs ou professeurs d’universités, de représentants éclairés du monde associatif, d’amateurs et de géologues retraités (liste nominative complète à la fin de l’article). D’un point de vue méthodologique, ce travail a été divisé en sept ateliers définis selon des critères géologiques (période ou cycle concerné, zone géographique, etc.). Cela a notamment permis de mobiliser efficacement les collaborations avec les partenaires concernés dans divers domaines spécialisés : Plioquaternaire, Tertiaire, Crétacé, Jurassique et Permo-Trias, Paléozoïque Nord Aquitain, Paléozoïque pyrénéen et géologie structurale.

Au cours de cette étape de travail, les 793 formations ou unités géologiques identifiées et présentes à l’origine dans les 5 cartes départementales harmonisées ont été regroupées en 149 unités géologiques dans la nouvelle carte de synthèse régionale au 1/250000.

De la même manière, les traits structuraux (chevauchements, écailles tectoniques, failles diverses, etc.), ont été largement simplifiées afin de disposer d’une meilleure lecture notamment dans les secteurs fortement tectonisés (massif central, Pyrénées).

 

Une mise à jour des données ?

On fait souvent référence aux temps géologiques pour évoquer la lenteur de l’évolution à l’échelle humaine du monde minéral et des paysages qui lui sont associés. En effet, la nature de notre sous-sol n’est pas soumise à de profondes modifications en dehors des territoires urbains, des mines et des carrières exploitées ou par exemple lors d’éruptions volcaniques, de tremblements de terre ou de grands glissements de terrain. C’est notre vision humaine sur la géologie et le sous-sol qui est en revanche soumise à une évolution parfois très rapide. L’exemple le plus significatif des dernières décennies est l’émergence de la théorie de la tectonique des plaques développée par Alfred Wegener. Communément admise par l’ensemble du monde scientifique vers la fin des années 60, cette théorie a profondément modifié notre regard sur l’évolution du monde minéral ainsi que notre interprétation sur la géométrie des corps géologiques et de leur représentation dans l’espace. C’est ainsi qu’une carte géologique fait état de la connaissance acquise d’un territoire à un instant donné, correspondant généralement aux quelques années qui précèdent celle de son édition.

Le projet de carte géologique au 1/250000 a pour vocation première de rassembler puis de synthétiser les connaissances acquises et qui sont présentées dans les diverses coupures au 1/50000 du territoire aquitain. Toutefois, certaines mises à jour ont pu être intégrées à la faveur du rassemblement de géologues experts réunis pour l’occasion, notamment avec l’appui de Jean-Pierre Platel[3] dans le secteur de la plateforme nord-aquitaine, de Philippe Razin[4] et de Nicolas Saspiturry[5] dans le secteur des Pyrénées occidentales, de Claude Majesté-Menjoulas[6] dans les secteurs de l’Aubisque et de la vallée d’Ossau, de Joseph Canérot[7] avec l’ajustement de certaines structures tectoniques majeures dans les chaînons béarnais ou de Gabriel Karnay[8] dans le secteur de Bayonne (voir figure 4).

[3] Jean-Pierre Platel, ancien géologue régional au BRGM d’Aquitaine.

[4] Philippe Razin, professeur de géologie, INP Bordeaux.

[5] Nicolas Saspiturry, doctorant en géologie, INP Bordeaux.

[6] Claude Majesté-Menjoulas, ancien chercheur en géologie, Université de Toulouse.

[7] Joseph Canérot, ancien chercheur en géologie, Université de Toulouse.

[8] Gabriel Karnay, ancien géologue régional au BRGM d’Aquitaine.

 

Figure 4 : Mise à jour des données géologiques : exemple du secteur de Bayonne – à gauche la carte géologique telle que publiée en 1963 (feuille n°1001) ; à droite la nouvelle carte de synthèse au 1/250000

Notice explicative

L’ensemble des 1062 cartes géologiques au 1/50000 de la France sont toutes sans exception accompagnées d’une notice explicative. Cette notice permet de disposer d’un ensemble détaillé et précis d’informations sur les différentes unités géologiques rencontrés à l’affleurement ou par l’intermédiaire de forages. Il s’agit notamment de précisions apportées sur les lithologies rencontrées, d’indications sur les variations de faciès, de listes souvent exhaustives des divers fossiles rencontrés, de résultats de mesures effectuées sur le terrain ou en laboratoire, de données sur les datations ou d’interprétations sur les contextes paléoenvironnementaux, certaines coupes géologiques fondamentales, etc. Des synthèses sur l’histoire géologique des territoires représentés sur chacune des cartes est souvent également proposé.

L’ensemble de ces informations présentes dans les notices explicatives sont d’une importance capitale pour comprendre la géologie des territoires, pouvoir se l’approprier et ensuite l’utiliser dans les divers domaines d’applications scientifiques qui nous mènent à les étudier. La rédaction d’une telle notice adaptée à la synthèse géologique régionale au 1/250000 est de ce fait apparue comme étant une étape nécessaire pour faciliter son usage par la suite et apporter une grande plus-value à ce travail cartographique.

La notice explicative de la carte de synthèse géologique au 1/250000 de l’Aquitaine a été rédigée par la plupart des membres du collège d’experts mentionné précédemment. La richesse des éléments décrits dans cette notice fait état des dernières connaissances scientifique acquises dans le territoire visé. Après la présentation de quelques éléments de contexte dans l’élaboration des travaux menés, cette notice propose une description détaillée de l’ensemble des 149 unités géologiques cartographiées et un aperçu synthétique de l’histoire géologique de la région Aquitaine.

 

Supports de diffusion et présentation de la carte

Cette synthèse géologique de l’Aquitaine au 1/250000 a été réalisée dans l’objectif d’être diffusée de la manière la plus large possible sur le territoire et gratuitement afin que chacun puisse se l’approprier et l’utiliser dans les divers domaines d’applications tels qu’évoqués au début de cet article. Ainsi, sa réalisation est initialement prévue dans un format numérique compatible avec les usages qui peuvent en être fait actuellement par les utilisateurs. Toutefois, une mise en forme avec notamment une charte graphique a été produite afin de permettre des impressions en format papier.

Les données d’entrées utilisées dans le cadre de la réalisation de cette carte de synthèse, les cartes géologiques départementales harmonisées, sont constituées de fichiers digitalisées sous forme de données « vecteurs » au format Shapefile, utilisables avec divers logiciels de systèmes d’information géographiques (SIG). De la même manière, le produit final qui constitue le socle de la donnée de la nouvelle carte de synthèse régionale est également disponible au même format Shapefile. Les référentiels cartographiques dans ce type de format sont en effet aujourd’hui très largement répandus et employés dans de de nombreux domaines : aménagement, réseaux urbains, suivis environnementaux, etc. Il permet en effet de réaliser de nombreux traitements numériques à partir des données géographiques : la géomatique. Cela facilite ainsi son usage pour produire des analyses croisées avec d’autres types de données (localisation de carrières, mouvements de terrains, sources, réseau hydrographique, bâtiments, etc.).

Le jeu complet de fichiers de données ainsi que la notice explicative au format pdf (document BRGM/RP-68881-FR) sont téléchargeables en ligne sur le site internet du SIGES Nouvelle-Aquitaine [9].

[9] SIGES : système d’informations pour la gestion des eaux souterraines.

 

Une mise en forme graphique de la carte a été réalisée par le service de la cartographie géologique du BRGM. La charte graphique ainsi qu’une version mise en page de la carte, habillée et légendée a été imprimé au format PDF. Le fichier est également disponible en téléchargement. Cinquante exemplaires de cette carte ont été édités en version papier en 2019. Des exemplaires peuvent être commandés, sous réserve des stocks disponible, en contactant le BRGM Nouvelle-Aquitaine au +33(0) 5 57 26 52 70 (tarif : nous consulter).

 

Liste des contributeurs de la carte de synthèse Aquitaine au 1/250000 :

Markus ARETZ, Thierry BAUDIN, Pascal BERTRAN, Bruno CAHUZAC, Joseph CANEROT, Philippe CHEVREMONT, Raymond ECKLAND, Michel FAURE, Philippe FAURE, Yves HERVOUET, Benoît ISSAUTIER, Gabriel KARNAY, Eric LASSEUR, Sophie LELEU, Carine LEZIN, Laurent LONDEIX, Claude MAJESTE-MENJOULAS, Elise NARDIN, Maxime PADEL, Jean-Pierre PLATEL, Philippe RAZIN, Nicolas SASPITURRY, Hélène TISSOUX