Risques – Nouvelle-Aquitaine : SAFFIR, un exercice submersion marine de grande ampleur sur la Bassin d’Arcachon
Risques naturels, Submersion marine
04/07/2022
Accompagner les pouvoirs publics dans leur réponse aux crises, c’est l’une des missions du BRGM. Né de la volonté de transférer le savoir-faire des exercices séismes « RICHTER », le BRGM a accompagné la préfecture de la Gironde et les acteurs du Bassin d’Arcachon dans le montage et l’animation d’un exercice pilote grandeur nature sur la submersion marine qui a eu lieu en septembre 2021.
Une quarantaine d’entités participantes pour des objectifs multisectoriels et multithématiques
Organisé par la préfecture de Gironde avec l’appui du Syndicat intercommunal du Bassin d’Arcachon (SIBA) et de la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), l’exercice SAFFIR a rassemblé près d’une quarantaine d’entités participantes : les services déconcentrés de l’État, les 10 communes littorales du Bassin d’Arcachon, le Conseil Régional de Nouvelle Aquitaine, le Conseil Départemental de la Gironde (CD33), l’Éducation Nationale, Météo-France, les différents services de secours (SDIS, Police Nationale, Gendarmerie) ainsi que les opérateurs de réseaux RTE, ENEDIS et Orange. Fort de son expérience sur les exercices séismes RICHTER, le BRGM a apporté son expertise sur la construction du scénario et l’ingénierie de montage et d’animation d’exercices.
L’objectif était en premier lieu d’éprouver la planification de crise départementale (ORSEC) et communale (Plans communaux de sauvegarde ou PCS) en cas de submersion, de tester les procédures d’alerte, et l’articulation entre toutes les parties prenantes. Outre ces objectifs globaux, les objectifs particuliers de chaque entité joueuse ont permis d’enrichir le scénario et de tester de multiples procédures clés de la gestion de crise. Si les objectifs communaux étaient principalement articulés autour de la phase d’anticipation et de sauvegarde (ex. les évacuations), les objectifs des services étaient plus éclectiques et centrés sur la phase d’urgence et de secours. Ainsi, les gestionnaires de réseaux électriques ont testé la mise en œuvre de leurs procédures de coupure préventives et de remise sous tension avec le Centre opérationnel départemental de la préfecture (COD), alors que le CD33 s’est concentré sur la continuité d’activité et les déviations sur son réseau routier. Cet exercice fut par ailleurs l’occasion de tester pour la première fois la mission de Référent départemental inondation marine (RDI33) au COD, ainsi que l’armement du Poste de commandement opérationnel (PCO) en sous-préfecture.
Un scénario construit de manière participative
La méthode de préparation adoptée repose sur une implication forte des représentants de l’ensemble des entités joueuses à la construction du scénario, afin d’assurer plus de réalisme et une meilleure appropriation de l’exercice.
L’exercice était organisé sur une journée entière selon deux phases : une phase de sauvegarde sur la matinée avec une montée en puissance des cellules de crise, suivie d’une phase d’urgence l’après-midi avec une submersion à la pleine mer de 16h. Compte-tenu de la diversité des acteurs et de la finesse de leurs objectifs, le scénario météo-marin constituait un élément socle. Aussi, le BRGM et Météo-France ont bâti un scénario de tempête réaliste, basé sur la tempête Klaus de 2009 transposée sur des conditions de marée défavorables. Cette tempête fictive prévoyait des rafales de vent à plus de 170 km/h et un niveau au marégraphe d’Eyrac proche du niveau centennal inondant ainsi massivement les zones basses en fond de bassin. Sur cette base commune, des groupes de travail thématiques ont scénarisé des évènements perturbateurs sur le territoire. Le matin, l’aggravation progressive des prévisions et l’annonce tardive de la vigilance rouge a permis de créer un effet de surprise et de tester des problématiques telle que l’évacuation des écoles. Sur le reste de la journée, des hypothèses d’impact sur les enjeux ont été ajoutées afin de permettre à chaque entité de tester ses objectifs propres : accidents, coupures réseaux, personnes blessées, etc.
Une mise en situation au plus proche du territoire et des joueurs
Malgré un temps de préparation rallongé par la crise du COVID, la mobilisation a été forte avec une centaine de joueurs et une quarantaine d’animateurs et observateurs. Alors que les joueurs étaient dans leurs locaux respectifs, les animateurs étaient localisés sur deux pôles : une animation « basse » à Arcachon dédiée aux communes et acteurs terrain, et une animation « haute » à Bordeaux dédiée au COD et acteurs institutionnels. Au-delà de l’exercice cadre, certaines actions ont été jouées sur le terrain dans plusieurs communes afin de sensibiliser la population. L’évacuation d’une classe de l’école Jules Ferry d’Andernos a par exemple été simulée avec les élèves, alors qu’au Cap-Ferret des routes ont été coupées et l’évacuation fictive d’un quartier a mobilisé la réserve communale.
Un retour d’expérience riche
Le retour d’expérience a été organisé par la préfecture, d’abord à chaud, puis à froid quelques semaines après l’exercice. Les principaux enseignements relèvent de trois thématiques :
- Organisation et logistique
Dans l’ensemble, les participants sont satisfaits et ont montré une grande mobilisation tant sur la phase de préparation que le jour même de l’exercice. Le réalisme du scénario et des scripts a été très apprécié. Par ailleurs, la préparation participative dans la durée a favorisé la montée en compétence des participants et l’émergence de pistes de réflexions. Enfin, la transversalité des acteurs impliqués et des objectifs visés a été soulignée comme un point fort.Quelques biais d’exercice ont cependant été soulignés. Le premier est lié à l’effet d’annonce de l’exercice qui a induit une sur-anticipation des mesures de sauvegarde. Par ailleurs, la volonté de focaliser l’exercice sur un phénomène (la submersion marine) et un secteur géographique (le Bassin d’Arcachon) a eu pour effet de sous dimensionner la densité des sollicitations de certaines cellules de crise notamment sur les problématiques liées au vent. - Construction d’une vision partagée en phase d’anticipation
Lors d’un évènement de tempête-submersion, la phase d’anticipation s’entend en 1er lieu comme l’estimation des secteurs risquant d’être inondés. Au niveau du COD, la mission RDI a rempli pleinement sa fonction de traduction et de vulgarisation des prévisions météo-marines en zones submergées. Les prévisions successives de niveau marin se rapprochant d’évènements historiques (Xynthia) ou réglementaires (centennal), les agents RDI ont pu se référer à des cartographies connues pour estimer les secteurs atteints et partager ces informations avec les acteurs du COD et du PCO. Au niveau communal en revanche, la qualité des PCS et la connaissance historique des agents municipaux ont joué un rôle primordial pour interpréter les prévisions. Aussi, le besoin d’une meilleure articulation entre les informations disponibles en COD et au niveau des communes a été souligné. Par ailleurs, plusieurs pistes ont été soulevées pour faciliter l’anticipation, notamment (1) un effort de pédagogie pour clarifier la chronologie des passages de niveaux de vigilance de Météo-France et (2) la disponibilité d’atlas de scénarios pour interpréter les prévisions en territoires submergés et préparer les plans d’action et leur logistique à l’avance. - Coordination de la réponse opérationnelle
Indispensable et par nature perfectible, la planification est rarement éprouvée du fait de la relative rareté des submersions marines majeures. A défaut de pouvoir tester les procédures en situation réelle, cet exercice interservices a permis de les tester dans un contexte global et de faire ressortir à la fois des axes d’amélioration individuels et des points durs sur la coordination entre les acteurs. Tout d’abord, le rôle central du PCO a été souligné pour faire le lien permanent entre le COD et les communes. L’activation des Plans particulier de mise en sécurité des écoles (PPMS) a été réussie, soulevant cependant des confusions dans le rôle de chacun en période de crise. Malgré quelques difficultés sur la transmission de l’alerte aux communes, des tests concluants d’outils de communication ont été réalisés (système d’alerte et de gestion de crise du SDIS de Gironde, messagerie TCHAP utilisée par la gendarmerie nationale, etc.). Enfin, les compétences et responsabilités de chacun ont été clarifiées pour ce type d’événements de grande ampleur.
Conclusion
Au-delà des retours d’expérience individuels, l’exercice SAFFIR est une réussite car il a permis de fédérer un réseau d’acteurs sur la thématique de la submersion marine sur le Bassin d’Arcachon. Cet exercice a également constitué un espace de rencontre entre les scientifiques experts de la submersion marine (Météo-France et BRGM) et les acteurs « opérationnels ». Cette prise de hauteur est essentielle pour que les experts soient capables de délivrer des informations signifiantes pour l’aide à la décision et intégrables dans la « boite à outils » des gestionnaires de crise, en adaptant notamment la sémantique et les modes de représentation. Le « réseau SAFFIR » continue à être mobilisé pour les projets de R&D sur l’amélioration des prévisions de submersion sur le bassin à l’image du projet ANR ORACLES.
Auteurs
S. Lecacheux, S. Auclair (BRGM)
W. Nestor (Service Interministériel de Défense et de Protection Civile, Préfecture de la Gironde)
H. Bijoux (Syndicat Intercommunal du Bassin d’Arcachon)