Risques – Nouvelle-Aquitaine : Recensement et étude des gisements ardoisiers de Corrèze

Cavités souterraines, Risques naturels

18/07/2022

À la demande et pour le compte de la Direction Départementale des Territoires de la Corrèze (DDT 19), le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a réalisé une étude portant sur le recensement des anciennes ardoisières souterraines sur l’emprise géographique de la formation de schiste ardoisier de Corrèze, et sur l’identification des risques associés.

Carte de localisation des affleurements des formations géologiques, potentiellement exploitables comme ressources ardoisières (d’après la carte géologique homogénéisée et vectorisée de Nouvelle-Aquitaine, © BRGM)

 

Contexte de l’étude : bref rappel historique des effondrements d’Allassac

L’exploitation des ardoisières d’Allassac a constitué un enjeu économique important pour la région entre le 19ème siècle et le milieu du 20ème siècle. Cette exploitation s’est faite, pour une large part, de façon souterraine et a abouti à la création d’un grand nombre de cavités souterraines aux dimensions variables mais souvent importantes. L’évolution des sites d’exploitation souterraine est à l’origine de plusieurs types d’instabilités, tant au fond qu’en surface, durant et surtout après la fin l’exploitation des ardoisières.

Deux instabilités survenues ces dernières années se distinguent par leurs ampleurs et ont marqué les esprits, témoignant des risques associés à ces sites subissant les affres du temps et dont une grande part est tombée dans l’oubli :

  • l’effondrement de terrain du 22 août 2011 (rapport BRGM/RP-60368-FR). Il a concerné une surface d’effondrement d’environ 40 m sur 25 m, soit une emprise de l’ordre de 1 000 m2,
  • et l’effondrement de terrain du 16 janvier 2014 (rapport BRGM RP-63195-FR). Il a concerné une surface d’effondrement d’environ 30 m sur 40 m, soit une emprise de l’ordre de 1 200 m2 et une épaisseur de filon d’environ 10 m.

Ces deux événements ont été provoqués par la rupture de la tête de filon située au toit des anciennes chambres d’exploitation. Le brusque afflux de matériaux lié à l’effondrement a ensuite entraîné un déplacement important de l’eau contenue dans la cavité, provoquant l’expulsion soudaine d’une lame d’eau à l’origine de désordres. Aucune victime n’est à déplorer et les dégâts engendrés restent limités au vu des enjeux présents à proximité.

L’occurrence de ces instabilités a rappelé, de manière brutale, la problématique de l’évolution des anciens sites d’exploitation des schistes ardoisiers, sur un territoire dont l’exploitation a constitué un enjeu économique important et dont la méconnaissance et un relatif oubli ont fait en grande partie disparaître la trace. Cet historique a justifié la nécessité de procéder à un recensement des anciens sites d’exploitation souterraine, sur l’ensemble de l’emprise du filon ardoisier, situé à cheval sur les départements de la Corrèze et de la Dordogne.

Mouvements de terrain du 22 août 2011 et du 16 janvier 2014 à Allassac : vues générales du site et des effondrements successifs de la chambre d’exploitation.
En haut : après effondrements de 2011 et avant effondrements de 2014 ; au milieu : après effondrements de 2014, vues vers le sud (à gauche) et vues vers le nord (à droite) ; en bas : vue de la partie supérieure des glissements de la bordure de la fosse, le 16 janvier 2014 (sources : BRGM/RP-60368-FR et BRGM/RP-63195-FR)

 

Organisation de l’étude

 

A la demande et pour le compte de la Direction Départementale des Territoires de la Corrèze, le BRGM à réaliser une étude visant à identifier et de caractériser ce patrimoine souterrain ancien, potentiellement à l’origine d’aléas susceptibles de menacer les enjeux humains et autres infrastructures bâties et routières.

La première partie de ce travail a consisté à rechercher, puis rassembler les indices d’ouvrages souterrains d’exploitation ardoisière, disponibles dans différentes sources de données consultables (archives départementales, inventaire des carrières anciennes de Nouvelle-Aquitaine, cartes IGN, cartes géologiques, photographies aériennes, etc.), afin de réaliser un inventaire le plus exhaustif possible sur l’ensemble de la zone d’étude. Le recueil de témoignages et de documentations historiques auprès des mairies des communes identifiées, d’associations locales sur le patrimoine ou encore d’érudits locaux, a permis de compléter cette recherche.

A la suite de cette première partie, une campagne de reconnaissances de terrain a été menée au cours de l’automne 2019 avec le double objectif suivant :

  • Permettre autant que possible, par une reconnaissance visuelle, de confirmer (ou infirmer) les indices recueillis au cours des étapes précédentes sur l’existence d’anciens sites ardoisiers ;
  • Collecter le cas échéant des renseignements complémentaires sur les ouvrages existants (nature, localisation, etc.)

La carte ci-dessous présente l’extension des gisements potentiels à partir de la cartographie des formations géologiques, considérées comme présentant un potentiel en termes de ressources ardoisières. On dénombre ainsi 17 communes concernées par ces formations géologiques en Corrèze et 25 communes en Dordogne. Les différentes étapes suivies dans le cadre de ces travaux de recensement permettent de disposer d’un inventaire faisant état de 155 indices de travaux ardoisiers souterrains anciens, dont 109 indices pour lesquels l’exploitation souterraine est avérée, 17 indices pour lesquels une exploitation souterraine est incertaine et 29 indices, qui à première vue n’ont pas permis d’identifier l’existence d’une ancienne exploitation souterraine.

 

Carte générale de localisation des zones de travaux ardoisiers souterrains, présence d’indices avérés ou incertains (résultats de la phase de recensement) ; en couleur les formations géologiques « ardoisières »

 

La seconde partie de ce travail a eu pour objectif de proposer une analyse préliminaire des aléas et des risques sur une sélection de sites pré-identifiés comme a priori potentiellement les plus problématiques au regard des enjeux environnants. Cette sélection a été réalisée en concertation avec les services de l’Etat.

Au cours de cette phase, les types d’aléas identifiés en lien avec les anciens sites ardoisiers souterrains sont au nombre de 5 :

  • un aléa « effondrement lié au tassement et débourrage » des puits totalement ou partiellement remblayés (1),
  • un aléa « effondrement par rupture de tête de puits » (2),
  • un aléa « effondrement lié à la rupture du pilier-couronne au toit des chambres d’exploitation filonienne » (3),
  • un aléa « effondrement lié à l’évasement du cratère d’effondrement au-delà de la bande filonienne » (4),
  • et enfin, un aléa « effondrement localisé lié aux galeries » (5).
Schéma des mouvements de terrain potentiellement induits par les ouvrages d’exploitation souterraine (les numéros 1 à 4 renvoient au descriptif exposé dans les paragraphes précédents)

 

Schéma du développement d’une cloche de fontis fontis (INERIS, guide méthodologique PPRN – Cavités souterraines abandonnées)

 

Il s’agit de caractériser et cartographier, en première approche (absence de reconnaissances souterraines ni investigations spécifiques de recherche de vides), la typologie et le niveau d’aléa associé aux anciens ouvrages ardoisiers, au droit de chacun des sites. La nature de l’aléa est définie par la typologie de l’évènement, son intensité et la probabilité que l’évènement se produise durant une période donnée. Les aléas sont représentés par le croisement d’un niveau de prédisposition (par exemple, un puits peut se tasser, une cavité s’effondrer, etc.) et de l’intensité attendue du phénomène (par exemple, un effondrement de terrain est un phénomène brutal de forte intensité, tandis qu’un tassement est plus progressif, généralement de moindre intensité).

 

Tableau de croisement pour l’aléa (d’après Rapport N2012/010DE – 12NAT2210 GEODERIS)

 

Exemple de résultats obtenus

La campagne de reconnaissance de terrain sur le site 3 « Les Esclauses » (Donzenac), réalisée par le BRGM le 03 mai 2021 a permis de confirmer la présence de certains indices et de collecter des renseignements complémentaires sur les caractéristiques des ouvrages en présence. Par exemple, l’indice ID147 a été observé, il s’agit d’un puits d’exploitation de forme carrée de 10 mètres de côté, avec un fond reconnu à environ 10 mètres de profondeur par rapport au niveau de la route. La hauteur totale de la paroi, côté nord, atteint environ 15 mètres de hauteur. Le puits a été remblayé par des déchets divers et apparaît sec. Les parois subverticales schisteuses du puits sont néanmoins plus ou moins altérées. Elles sont affectées par un réseau de racines développé qui parfois traversent les fractures du rocher, ainsi que le niveau d’argile d’altération situé sur les deux premiers mètres environ à partir de la surface, côté amont.

Le puits ID147 est concerné par les deux aléas liés à l’effondrement de puits : effondrement lié au tassement et débourrage et effondrement par rupture de tête de puits. Le reste des indices présents sur le site 3 sont affectés par les deux aléas liés aux chambres d’exploitation sur filon : effondrement du toit de chambres d’exploitation et évasement extra-filonien. Les intensités liées à ces aléas leurs sont associées. L’analyse préliminaire des risques (un croisement entre les enjeux identifiés (bâti et réseau routier) et la carte d’aléa) met en évidence une portion de 50 m de la route des Esclauses, comme étant affectée par un aléa fort et 5 m de cette même route affectée par un aléa moyen.

Sur le site, les mesures suivantes ont été recommandées :

  • suivi visuel régulier (a minima bi-décadaire) des ouvrages identifiés et de leur environnement, pour déceler tous indices de surface témoignant d’une évolution et adoption de mesures de sauvegarde si nécessaire,
  • matérialisation d’un périmètre de sécurité autour du puits, de façon à prévenir toutes chutes.

 

Vue générale de l’ouvrage ID147, sur le site « Les Esclauses » (Donzenac), depuis la route menant au lieu-dit

 

Analyse préliminaire de l’aléa et des enjeux exposés sur le site « les Esclauses » (Donzenac) (BRGM/RP-71215)

 

Conclusion

 L’étude a permis de faire un état des lieux des connaissances générales sur les anciennes ardoisières souterraines de Corrèze et de Dordogne. 155 indices témoignant d’anciens sites d’exploitation ont été recensées, tous situés en Corrèze (aucun ouvrage recensé sur le territoire de la Dordogne). Ce travail a conduit dans un second temps à la réalisation d’une analyse préliminaire des aléas et des risques pour une sélection de 9 sites pré-identifiés au regard des enjeux environnants.

Cette étude a permis d’apporter aux services de l’État une première connaissance pour la prise en compte des risques associés à ces sites et la mise en œuvre de mesures de gestion appropriées.

 

Pour aller plus loin

Rapport BRGM/RP-71215-FR http://ficheinfoterre.brgm.fr/document/RP-71215-FR