Risques – Nouvelle-Aquitaine : Impact du changement climatique sur l’aléa retrait-gonflement des sols argileux en Nouvelle-Aquitaine

Changement climatique, Mouvements de terrain, Risques naturels

22/11/2021

Près de 65 % de la région Nouvelle-Aquitaine est actuellement exposée à l’aléa retrait-gonflement des argiles, dont 29 % à un degré moyen et 24 % à un degré fort. Le changement climatique pourrait aggraver l’impact du phénomène.

L’aléa retrait-gonflement des argiles renvoie à la variation potentielle de volume des terrains argileux superficiels à la suite d’une modification de leur teneur en eau, en lien avec les conditions météorologiques. Ils se rétractent lors des périodes de sécheresse (phénomène de retrait) et gonflent au retour des pluies lorsqu’ils sont de nouveau hydratés (phénomène de gonflement).

Ces variations sont lentes, mais elles peuvent atteindre une amplitude assez importante pour endommager les bâtiments localisés sur ces terrains.

 

Contexte

À l’échelle du territoire métropolitain, le coût total des sinistres induit par cet aléa pour la période 1989-2018 est estimé à 12,3 milliards d’euros par la Caisse centrale de réassurance ce qui en fait la deuxième cause d’indemnisation de catastrophes naturelles derrière les inondations.

 

La région Nouvelle-Aquitaine est particulièrement impactée par le retrait-gonflement des argiles (RGA). Selon le BRGM, près de 65 % de son territoire est exposé à cet aléa et près de 52 % des communes de la région ont été reconnues au moins une fois en état de catastrophe naturelle (CATNAT) pour sécheresse.

Cinq départements de la région (Dordogne, Gironde, Lot-et-Garonne, Charente-Maritime et Vienne) figurent parmi les vingt départements qui présentent les coûts cumulés d’indemnisation les plus élevés (estimations de la Caisse centrale de réassurance de 2015 sur la période 1989-2012).

Exposition actuelle au retrait-gonflement des argiles en région Nouvelle-Aquitaine (©Géorisques)

 

Facteurs impliqués dans l’occurrence du phénomène

Différents facteurs naturels permanents prédisposent l’occurrence de ce phénomène :

  • la nature du sol (proportion de matériaux argileux gonflants, épaisseur et profondeur de l’horizon argileux, continuité des niveaux argileux) ;
  • la présence d’eau (nappe phréatique, circulations souterraines temporaires à faibles profondeurs) ;
  • la géomorphologie (variations latérales et verticales de constitution du sous-sol, pente, orientation du terrain) ;
  • la présence de couvert végétal (racines des arbres).

 

D’autres facteurs, variables, déclenchent ou aggravent les phénomènes :

  • les conditions météorologiques (humidité des sols, température, variations saisonnières du cumul de précipitations et de l’ensoleillement, etc. ;
  • les activités humaines (drainage, pompage, plantation, imperméabilisation du sol, fuite, infiltration d’eaux pluviales, source de chaleur en sous-sol, etc.).

 

Évolutions en lien avec le changement climatique

Dans un contexte de changement climatique, ces facteurs variables sont amenés à évoluer. Les résultats du projet CLIMSEC[1] mettent en évidence trois principales évolutions du phénomène retrait-gonflement des argiles en lien avec les changements climatiques :

  • La première concerne l’extension géographique du phénomène. Selon l’étude, certaines régions encore peu concernées pourraient être touchées par le phénomène de façon récurrente. À titre d’exemple, en 2003, plus de 8 800 communes avaient déclaré des sinistres sur leur territoire. En comptant les reconnaissances CatNat pour l’année 2019, ce sont maintenant près de 11 500 communes qui ont été reconnues au moins une fois en état de catastrophe naturelle pour le retrait-gonflement des argiles. De nombreuses communes ont été reconnues CatNat pour la première fois en 2018 et 2019.
  • La deuxième concerne l’intensité du phénomène. Bien qu’il soit encore difficile de déterminer l’impact du changement climatique dans l’augmentation de l’intensité du phénomène, l’étude met en évidence une augmentation de la durée des vagues de chaleur et des épisodes de déficits pluviométriques en lien avec le changement climatique.
  • Enfin, le troisième concerne la fréquence du phénomène. Les modèles mis en œuvre dans le cadre du projet montrent une augmentation de la fréquence des sécheresses au cours du siècle, pour aboutir à des sécheresses extrêmes du sol sur la majeure partie du territoire en fin de siècle, avec notamment un été sur trois à un été sur deux au moins aussi chaud que l’été 2003.

 

En plus des évolutions de l’aléa RGA, l’INSEE projette d’ici 2050, une augmentation de près d’un million d’habitants en Nouvelle-Aquitaine, ce qui induit une augmentation des enjeux exposés à l’aléa.

 

[1] Soubeyroux J.-M., Vidal J.-P., Najac J., Kitova N., Blanchard M., Dandin P., Martin E., Pagé C., Habets F., 2011. « Projet ClimSec : Impact du changement climatique en France sur la sécheresse et l’eau du sol », Rapport final du projet. https://www.umr-cnrm.fr/IMG/pdf/2011_fmaif_rapport_final_v2.2.pdf

 

Ces changements ont pour conséquence la reconfiguration des vulnérabilités du territoire néo-aquitain.

 

Mesures d’adaptation au risque

Dans l’optique de s’adapter au risque lié au retrait-gonflement des argiles et réduire son impact, différents dispositifs d’adaptation peuvent être mis en place tels que :

  • La réduction de la vulnérabilité du bâti

L’objectif est ici d’agir sur les enjeux pour diminuer le niveau de risque. Il convient aux maîtres d’ouvrage et aux constructeurs de respecter un certain nombre de mesures afin de réduire l’ampleur du phénomène et de limiter ses conséquences sur le projet en adaptant celui-ci au site. Ces mesures concernent plus particulièrement :

  • l’adaptation des fondations ;
  • la rigidification de la structure du bâtiment ;
  • la désolidarisation des différents éléments de structure (bâtiment principal et annexes) ;
  • la réalisation d’un trottoir étanche autour du bâtiment ;
  • la réalisation d’un dispositif de drainage périphérique ;
  • l’éloignement de la végétation par rapport au bâti ;
  • la création d’un écran anti-racine entre les grands arbres et le bâti ;
  • le raccordement des réseaux d’eaux aux réseaux collectifs ;
  • l’étanchéification des canalisations enterrées ;
  • la mise en place sous condition d’une source de chaleur en sous-sol.
Principales préconisations de construction et réduction de la vulnérabilité du bâti (©BRGM)

 

Différents types de fondations destinés à prévenir les désordres liés au retrait-gonflement des argiles (©INERIS)

 

Afin de réduire de façon plus drastique la vulnérabilité du bâti, de nouvelles règles de construction ont été mises en place dans les zones exposées. Elles sont applicables en amont de la construction. Ainsi l’article 68 de la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 dite « Loi Elan » prévoit de nouvelles obligations dans les zones d’exposition moyenne à forte en particulier :

  • le maître d’ouvrage, lors d’un projet de construction, doit fournir une étude géotechnique de type G2. Cette étude doit permettre de déterminer le type de fondations à privilégier en prenant en compte les risques liés au terrain. Cela permet également de réglementer les techniques de construction particulières à entreprendre (décret n°2019-1223 du 25 novembre 2019 relatif aux techniques particulières de construction dans les zones exposées au phénomène de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols).

Ces techniques particulières sont définies par l’arrêté ministériel du 22 juillet 2020.

  • le constructeur a pour obligation de suivre les recommandations inscrites dans le rapport d’étude géotechnique, ou bien de respecter les techniques de construction définies au préalable par voie réglementaire.

Les normes et techniques de construction doivent néanmoins être mises à jour autant que nécessaire selon l’évolution des conditions environnementales afin de rendre compte de l’évolution de l’aléa.

Un modèle réalisé par le BRGM estime que la mise en œuvre d’une politique d’adaptation imposant de nouvelles contraintes constructives aurait pour effet, à l’échelle nationale, la réduction du coût de la sinistralité de l’ordre de 12 % sur la période 2021-2050 par rapport à un scénario de référence sans politique d’adaptation et de 30 % à l’horizon 2100.

Une telle politique se montre efficace dès sa mise en place en zone d’aléa de niveau fort.

 

Résultats du modèle d’estimation du coût de la sinistralité liée au RGA. Impact de l’amélioration de la qualité de la construction (©BRGM)

 

L’étude de sol préalable pour un terrain constructible en zone RGA permet notamment de :

  • maîtriser la nature des sols en évaluant précisément les risques liés au terrain ;
  • maîtriser le projet de construction en apportant des recommandations précises sur le type de fondations à prévoir, entre autres ;
  • avoir une idée précise du contexte environnemental du terrain et des facteurs de risque liés aux phénomènes naturels et météorologiques.

 

  • L’amélioration de la connaissance du phénomène

Le ministère en charge de l’Écologie a missionné le BRGM d’effectuer une cartographie d’exposition à l’aléa retrait-gonflement des argiles. Cette dernière fait partie intégrante du dispositif réglementaire mis en place par la loi ELAN. L’arrêté ministériel du 22 juillet 2020 en officialise le zonage.

 

  • L’information préventive

La vulnérabilité aux risques est souvent corrélée à une faible information de ceux qui les subissent. Or, pour s’adapter aux risques, il convient de disposer d’informations suffisantes sur sa nature, ses impacts et surtout son emprise spatiale. Depuis la loi du 22 juillet 1987, les citoyens ont le droit à une information sur les risques majeurs auxquels ils sont soumis sur tout ou partie du territoire, ainsi que les mesures de sauvegarde qui les concernent. À l’échelon du territoire, l’information préventive s’appuie sur deux documents :

  • le Dossier Départemental des Risques Majeurs (DDRM) à l’échelle départementale,
  • le Document d’Information Communale sur les RIsques Majeurs (DICRIM) à l’échelle communale.

À l’échelon national, les informations sur les risques sont disponibles sur le site de Géorisques (https://www.georisques.gouv.fr/), portail officiel d’information sur les risques naturels et technologiques porté par le ministère de la Transition Écologique.

Ce portail met à disposition un certain nombre d’informations notamment la liste des arrêtés de catastrophe naturelle dont a fait l’objet la commune, liste qui doit être rendue disponible à la mairie du lieu concerné par la survenance de l’évènement.

Par ailleurs dans les zones soumises à un Plan de Prévention des Risques (PPR), les propriétaires et bailleurs ont l’obligation d’informer les acquéreurs et locataires de biens immobiliers de l’existence de risques majeurs concernant ces biens via le dispositif Information Acquéreurs Locataires (IAL) accessible désormais via Géorisques (https://www.georisques.gouv.fr/mes-risques/etat-des-risques-naturels-miniers-et-technologiques).

Depuis le 1er octobre 2020, les études de sols réalisées doivent être jointes à la promesse de vente, à l’acte authentique de vente ou bien au titre de propriété. De cette façon, les recommandations géotechniques peuvent suivre le bâtiment tout au long de sa construction.

Ce dispositif a été complété récemment par la loi n°2021-1104 dite « Loi Climat et Résilience » du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets. Cette loi simplifie et renforce le dispositif IAL déjà en place en particulier dans le cadre de l’article 236.

Désormais, en cas de mise en vente de tout ou partie d’un immeuble ou de mise en location, l’état des risques est remis au potentiel acquéreur par le vendeur ou au potentiel locataire par le bailleur, lors de la première visite de l’immeuble, si une telle visite a lieu.

 

  • Les règles d’urbanisme

Avant la mise en place de la loi ELAN, le programme de cartographie de l’aléa RGA à l’échelle nationale a constitué un préalable à l’élaboration de PPR spécifiques à l’échelle communale. L’objectif de ces plans est de réglementer l’occupation des sols dans les zones exposées. Il donne ainsi, pour les projets de construction futurs et/ou pour le bâti existant, des dispositions constructives obligatoires ou recommandées. Dans des secteurs particulièrement exposés, le PPR peut également imposer la réalisation d’une étude géotechnique spécifique, notamment en cas de projet d’aménagement nouveau.

L’exposition au RGA n’entraîne cependant jamais d’inconstructibilité.

La région Nouvelle-Aquitaine est couverte par 308 PPR faisant référence au RGA : 295 PPR dans le département du Lot-et-Garonne, soit la quasi-totalité des communes du département, 12 PPR en Dordogne et 1 PPR dans les Pyrénées-Atlantiques.

L’élaboration des documents stratégiques de planification à l’échelle de la région, des départements ou des communes (SRADDET, SCoT, PLUi, …), est une opportunité pour prendre en compte explicitement le risque lié au RGA et ses évolutions futures à court, moyen et long termes dans les documents d’urbanisme. Cette mesure d’adaptation consiste ainsi à inclure systématiquement, même en l’absence de PPR sur la zone concernée, la connaissance actualisée des risques et de leurs évolutions dans les étapes de diagnostics territoriaux préalables à l’élaboration des documents finaux.