Risques-Nouvelle-Aquitaine : il y a 89 ans, la tempête du 03/09/1935 provoquait d’importantes inondations sur Bordeaux et ses alentours
Evènements du territoire, Mémoire des évènements, Risques naturels
03/09/2020
Dans le cadre l’Observatoire Régional sur les Risques de la Nouvelle Aquitaine (ORRNA), le centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) a élaboré des fiches sur des événements inondations « remarquables ».
Cette fiche met en lumière l’aspect remarquable de l’événement du 02 et 03/09/1935 sur Bordeaux et ses alentours.
Dans la nuit du 02 au 03/09/1935, des orages d’une extrême violence se sont abattus sur Bordeaux et ses alentours, en particulier les communes de Bruges, Le Bouscat et Eysines mais aussi dans la région du Libournais. Cet événement a été tellement intense qu’il fût qualifié d’ouragan avec des vents puissants et des pluies diluviennes et torrentielles.
Il s’en est suivi des inondations par ruissellement pluvial et débordements des réseaux d’eaux pluviales.
Des dégâts catastrophiques ont été à déplorer sur l’ensemble du territoire impacté (caves inondées, arbres arrachés, cultures et vignobles détruits, chaussées détruites, etc…). Une personne a été tuée par la foudre.
Localisation et présentation du secteur impacté
Le territoire impacté concerne 2 secteurs (Carte 1 : Secteurs impactés):
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le secteur des communes en rive gauche de la Garonne que sont Bordeaux (d’une surface de 49,36 km²), Bruges (14,22 km²), Le Bouscat (5,28 km²) et Eysines (12,01 km²) qui font partie intégrante de l’agglomération bordelaise, appelée Bordeaux Métropole depuis le 01/01/2015.
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le secteur du Libournais, situé à une trentaine de kilomètres à l’Est de Bordeaux. La ville de Libourne a une surface de 20,63 km².
La carte ci-après repère les communes du Bouscat, Bruges, Eysines et Bordeaux impactées par cet événement pluvio-orageux du 03/09/1935.
Contexte hydrologique et pluviométrique du bassin versant
Caractéristiques des bassins versants concernés
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Secteur des communes de Bordeaux, Bruges, Le Bouscat et Eysines
Ce secteur se trouve dans un bassin versant vulnérable au risque inondation par ruissellement pluvial notamment dû à la conjonction de 3 facteurs :
La topographie
Les villes de Bordeaux et du Bouscat reçoivent les eaux d’un bassin versant de forme hémicycle faisant une surface de 90 000 hectares. Bordeaux dispose d’une topographie en amphithéâtre assez pénalisante avec des terrains à faible pente sur la rive gauche (pentes de 3 mm/m) et une plaine alluviale endiguée par des coteaux qui surplombent le fleuve sur la rive droite (Carte 3 : Topographie de la rive gauche de la Garonne). Bien qu’il y ait quelques collines en rive gauche, l’altitude moyenne de la rive gauche reste faible entre 1 m NGF et 42 m NGF. Ces plaines sont formées de sédiments et le sous-sol est principalement composé de gravier. L’ouest de l’agglomération Bordelaise empiète sur la plaine sableuse des Landes. Les sols y sont plus maigres, perméables à l’eau et stockent facilement la chaleur.
D’autre part, les villes de Bruges et Eysines font partie intégrante du bassin versant de la Jalle, cours d’eau affluent rive gauche de la Garonne. La topographie de ce bassin versant est en cuvette avec des terrains à faible pente jusqu’à la confluence avec la Garonne (Carte 4 : Topographie du bassin versant de la Jalle).
Contexte Fluvio-Maritime
Un autre facteur pénalisant existe, celui de la présence du fleuve de la Garonne. Dans sa traversée de l’agglomération, le fleuve subit l’influence des marées faisant varier son niveau au maximum de 7 mètres (différence entre les plus hautes marées hautes et les plus basses marées basses) ; ce qui implique une variation d’exutoire importante en cas de pluie. Près de 13 500 hectares, situés en dessous des Plus Hautes Eaux de la Garonne, sont protégés par des digues, ce qui interdit leur assainissement pluvial gravitaire à marée haute.
Développement Urbain
Sur le début du 20ème siècle, Bordeaux a connu un lent accroissement de son urbanisation. Un peu plus tard, la crise de 1929, freine l’expansion et le développement économique de la ville.
Afin d’atténuer les conséquences délétères de cette crise, le maire de Bordeaux, Adrien Marquet, a adopté en 1930, un important programme d’urbanisme appelé Plan Marquet. Celui-ci a redonné à la ville une nouvelle impulsion pour son développement urbanistique. De nouveaux équipements publics et aménagements de taille ont vu le jour et contribué à l’urbanisation de la cité : la Bourse du Travail, la piscine Judaïque, le stade Lescure et d’autres aménagements urbains.
A partir des années 1950, l’accélération de l’urbanisation a provoqué une grande consommation d’espaces de la ville avec le déploiement de l’habitat individuel, des échoppes et des voiries. A partir de cette même période, plusieurs grands aménagements ont été réalisés comme le quartier du grand parc, le quartier du lac, le quartier du mériadeck et le développement des domaines universitaires de Talence Pessac et Gradignan.
L’urbanisation s’est développée autour du Port de Bordeaux de façon concentrique depuis la Garonne (Carte 5 : Urbanisation autour du port de Bordeaux à partir de 1840). Progressivement, l’aire Bordelaise s’est étendue de la partie avale jusqu’à la partie amont des cours d’eau qui traversent la zone urbaine (Carte 6 : Développement de l’urbanisation sur l’aire Bordelaise).
Enfin, les premiers grands ouvrages d’assainissement, créés à la fin du 19ème siècle, ont donc été saturés au fil de l’urbanisation accélérée des communes périphériques. Cet étalement urbain a donc conduit à un accroissement des contraintes d’assainissement pluvial, notamment avec de fortes imperméabilisations de surfaces et des longueurs de réseaux très importantes.
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Secteur du Libournais
Située à une trentaine de kilomètres de l’agglomération Bordelaise, la région du Libournais s’est développée à la confluence de la rivière de l’Isle et de la Dordogne.
Ce territoire offre une grande palette de paysages très diversifiés et plutôt de bonne qualité : vignobles, rivières, palus, bocages, forêts. On retrouve dans une grande proportion de paysages viticoles, très ordonnés, qui font l’unité paysagère du Libournais.
Globalement, les principales caractéristiques du territoire du Libournais sont les suivantes : c’est un pays de plateaux, de collines, aux formes douces et amples avec une absence de relief très marqué (les altitudes avoisinent les 80 ou 100 mètres). L’habitat est assez dense avec une omniprésence des vignes au-delà des lits majeurs et un réseau hydrographique marqué par de nombreux cours d’eau dans les vallées.
Climatologie et pluviométrie
Nous proposons de retenir la commune de Bordeaux située au centre du secteur impacté pour donner un aperçu de la pluviométrie (Cf Illustration 1 : Diagramme climatique).
Bordeaux possède un climat océanique chaud sans saison sèche selon la classification de Köppen-Geiger. Bordeaux est une ville avec une pluviométrie importante. Même dans le mois le plus sec il y a beaucoup de pluie.
On peut établir un aperçu des précipitations sur une période d’observation depuis les années 1970 jusqu’à aujourd’hui. Sur l’année, la température moyenne annuelle en Gironde varie de 5 – 7 °C en janvier à 19 – 21 °C en été. le total annuel des précipitations est en moyenne de 850 à 900 mm.
A partir des données de la station météorologique de Bordeaux Mérignac, un diagramme climatique est élaboré en faisant apparaître la pluviométrie et la température annuelle.
Événement historiques
Les tableaux suivants dressent une liste non exhaustive des événements historiques majeurs de crues qui ont impacté la commune de Bordeaux :
Date de l’événement | Type de catastrophe | Description de l’événement (données disponibles) |
12/03/1811 | Inondation (phénomène de débordement de cours d’eau) | D’importantes crues de la Garonne provoquent des inondations et des dégâts sur Bordeaux et aussi Saint-Louis-de-Montferrand. Des routes inondées et des dommages importants. |
23/06/1875 | Inondation (phénomène de débordement de cours d’eau) | D’importantes crues de la Garonne provoquent des inondations et des dégâts de Toulouse jusqu’à Bordeaux. De gros impacts socio-économiques sont à déplorer. |
1879 | Inondation (phénomène de débordement de cours d’eau) | Inondations importantes de la Garonne avec des pertes de d’immeubles, de mobilier, de bestiaux et de marchandises. Des procès verbaux témoignent de l’ampleur des dégâts. |
01 au 03/03/1930 |
Inondation (phénomène de débordement de cours d’eau) |
Le Sud-Ouest ravagé par les inondations La Garonne connaît des niveaux historiques et cause inondations catastrophiques sur de nombreux départements avec plusieurs centaines de victimes. Sur Bordeaux, la Garonne cause des dégâts importants. |
03/09/1935 | Inondation et coulée de boue (phénomène ruissellement) |
Événement intense qualifié d’ouragan avec des vents puissants et des pluies diluviennes et torrentielles. Il s’en est suivi des inondations par ruissellement pluvial et débordements des réseaux d’eaux pluviales. Des dégâts catastrophiques sur l’ensemble du territoire impacté (caves inondées, arbres arrachés, cultures et vignobles détruits, chaussées détruites, etc…). Une personne tuée par la foudre. |
Tableau 2 : Liste des événements historiques majeurs à Bordeaux
Description du phénomène du 02 et 03/09/1935
Dans la nuit du 02 au 03/09/1935, une forte dépression est arrivée par l’Est du territoire de Bordeaux et a atteint le maximum de sa puissance dans le secteur entre Bordeaux et Libourne. Il s’en est suivi un phénomène pluvio-orageux extrêmement intense avec des vents puissants et des pluies diluviennes et torrentielles.
Ces intempéries se sont abattues sur Bordeaux et ses alentours, en particulier les communes de Bruges, Le Bouscat et Eysines mais aussi dans le Libournais.
Les relevés de température et de pluviométrie montrent clairement pour le 03/09/1935 :
– une chute brutale des températures avec une perte de 8 °C sur 24 h (valeurs minimales de 18 °C à 10 °C),
– une quantité de pluie de l’ordre de 35 mm sur une période de 24 heures
Les illustrations ci-dessous montrent la courbe des températures (Cf Illustration 2 : Courbe de température) et la quantité de pluie (Cf Illustration 3 : Histogramme de la pluviométrie) tombée sur Bordeaux le 03/09/1935.
Dommages avérés de l’événement du 02 et 03/09/1935
Le bilan de ces fortes intempéries fût très lourd avec des dégâts catastrophiques dans le Libournais, sur Bordeaux, Bruges, Le Bouscat et Eysines. Tout a été dévasté sur une longueur de 30 kilomètres et une largeur de 3 à 4 km. Cet événement a été tellement intense qu’il fût qualifié d’ouragan. Le montant total des dégâts a été estimé à environ 40 millions de francs.
Dans une grande proportion, les dégâts de cet événement sont liés aux effets du vent. La pluie et les orages ont aussi engendré des inondations par ruissellement, mais dans une proportion plus faible. On peut rapporter ci-après des éléments d’information sur les impacts socio-économiques de cet événement.
- Dans le Libournais
Dégâts liés à la tempête:
Les dégâts ont été conséquents dans cette région viticole mais aussi dans les vergers qui ont été complètement détruits et recouverts d’ une bonne couche de grêle.La route de Libourne menant à Bordeaux a été coupée en plusieurs endroits par des arbres tombés lors de la tempête. Par ailleurs, les tramway électriques de Beychac à Calleau ont été arrêtés.
Dégâts liés aux inondations:
Un ruisseau a débordé, inondant tous les caves du cours des Girondins. De nombreuses rues ont été submergées et des habitations envahies par les eaux. - Dans Bordeaux
Dégâts liés à la tempête :
La violence de la tempête a arraché des toitures (éventrées par la chute des arbres) mais aussi de nombreuses cheminées, des arbres déracinés qui sont tombés sur les avenues, dans les jardins, dans les cimetières. Plusieurs rues de la ville ont été coupées par les débris au sol.Les dégâts dans les vignes ont été considérables : en période d’automne 1935, les vignes étaient encore chargées de leurs raisins et furent anéanties par les grêlons de grosse taille. D’autre part, le trafic des lignes de tramway desservant Blanquefort, Le Taillan, et une partie de Mérignac a été interrompu. Enfin, dans le port automne de Bordeaux, il y a eu quelques dégâts : 2 grues furent projetées au sol et la drague a brisé ses amarres.
Dégâts liés aux inondations :
Les pluies diluviennes ont provoqué l’inondation de centaines de caves. Un nombre conséquent d’habitations en centre ville a été submergé par les eaux et de nombreuses rues ont été submergées. - Dans Bruges, Eysines et Le Bouscat
Dégâts liés à la tempête :
La tempête a laissé place à un spectacle désolant. Tous les arbres qui bordaient les routes principales ont été détruits, plaqués au sol et bloqués la circulation. Dans leur chute, il ont souvent emporté et arrachés les lignes télégraphiques et les câbles électriques. Par ailleurs, la tempête a littéralement détruit les tribunes du stade de Bordeaux qui ont été projetées à une centaine de mètres.Dans la même mesure, les jardins maraîchers ont été détruits : les vignobles ont été anéantis ainsi que de nombreuses maisons qui ont vu leur toiture emportée. Tous les fruits, les arbustes, les planches de légumes ont été pulvérisés par la chute de grêlons.En terme de pertes humaines, une personne à été tuée par la foudre lors de cette tempête.Dégâts liés aux inondations :
Les pluies diluviennes ont provoqué des inondations dans de nombreuses habitations sur la commune du Bouscat, sur les avenues de Tivoli, avenue de l’Ermitage et avenue Auguste Ferret. Sur les communes du Bouscat, de Bruges et d’Eysines, les routes et les voiries se sont transformées en torrents d’eau qui ont paralysés la circulation routière pendant des heures.
Illustrations
Extrait du Procès Verbal du Commissariat de Police du Bouscat du 03/09/1935 issu des Archives Départementales de la Gironde. Dans cet extrait, il est rapporté de nombreux dégâts dans la région de Bordeaux.
Extrait d’un article de presse du 04/09/1935. Dans cet extrait, il est rapporté l’ampleur des dégâts de la catastrophe du 03/09/1935.
Éléments bibliographiques
[1] Étude technico-économique de la gestion des eaux pluviales urbaines et des modalités de son financement / Étude de cas sur la Communauté Urbaine de Bordeaux / CEREMA DterSO / Aout 2014
[2] https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Topographie_de_bordeaux.jpg
[3] https://planificateur.a-contresens.net/europe/france/nouvelle_aquitaine/bordeaux/3031582.html
[4] https://cmap.comersis.com/carte-communes-de-la-Metropole-de-Bordeaux-cmztfau806f.html
[6] Extrait du Procès Verbal du Commissariat de Police du Bouscat du 03/09/1935 – Archives Départementales de la Gironde
[7] http://meteo-climat-stats.com/Releves-47-9-Bordeaux-Septembre-1935.php
[8] http://www.meteo-marseille.com/almanach/jour/0903
[9] https://pqn-a.fr/wp-content/uploads/2012/07/Charte-Pays-Libournais-1-Diagnostic.pdf