Risques – Nouvelle-Aquitaine : Les feux de printemps sont de retour

Evènements du territoire, Risques naturels

28/08/2017

Depuis 2003, le Massif des Landes de Gascogne n’a pas connu de surfaces détruites de plus de 500 ha au printemps. L’année 2017 nous rappelle que les mois de mars et d’avril sont des périodes dangereuses où le feu parcourt souvent des superficies très importantes.

Une végétation sèche

La molinie et la fougère sont des plantes annuelles dont la nouvelle pousse intervient généralement début mai. Les mois précédents, le sous-bois est donc composé de molinies et de fougères sèches issues de pousses de l’année précédente.

Ces végétaux n’ont donc aucune capacité de régulation hydrique et se dessèchent très rapidement lors des journées anticycloniques, en particulier lors d’épisodes de vents d’est (vent d’autant).

Lors d’une journée de vent d’est, la molinie morte peut passer d’une teneur en eau de plus de 70% en début de matinée à moins de 40% vers 14h.

Il faut attendre la nouvelle pousse du mois de mai pour que la pousse verte de la molinie puisse réguler la teneur en eau et que la nouvelle frondaison de fougère puisse créer un micro climat plus humide en mai et juin.

A ce sous-bois, très inflammable, s’ajoute généralement des sols détrempés dus à la remontée de la nappe plio quaternaire sur laquelle les véhicules de lutte s’enlisent. Au printemps, généralement, ce sont justement les stations à molinies, de landes humides propices à une propagation rapide du feu, sans que les secours puissent intervenir faute de portance des sols, qui sont les plus dangereuses (incendie de St Aubin 23/03/2003).

L’année 2017, se caractérise, au printemps, par la présence de sols secs, l’Aquitaine subissant un déficit hydrique (-20% des précipitations normales), plus marqué vers le nord de la Gironde et le Médoc.

 

Un printemps 2017 sec

C’est dans ces conditions de sécheresse marquées et de vents soutenus que ce sont développés les feux, ce printemps 2017.

Notons, un premier grand incendie de forêt, celui du Camp militaire de Captieux le 30 mars 2017, qui a détruit 1293 ha.

Cette surface est à relativiser parce les pompiers ne peuvent pénétrer dans les peuplements de ce camp et ont tout intérêt à traiter les lisières en utilisant des feux tactiques ou brûlages dirigés pour diminuer les combustibles entre la partie en feu et la piste. L’essentiel pour cet incendie est qu’il soit resté dans l’enceinte du camp.

Cependant, la vitesse d’avancement élevée du feu, était tout de même un indicateur de l’état de sécheresse de la végétation. Cet événement est aussi un rappel pour tous, que les activités pyrotechniques militaires doivent être limitées en période à risque. La lutte contre ces feux consomme des moyens de lutte des sapeurs-pompiers qui ne sont plus disponibles pour protéger le reste du massif !

Lors de la journée du 20 avril, les vents de nord-est étaient stabilisés autour de 25 km/h avec des rafales à 50 km/h. Notons, en plus, un taux d’humidité très faible de 26% à 14% sur certaines stations. Ces hygrométries très basses sont des records. A titre indicatif, en été, une humidité inférieure à 30% représente un danger significatif pour les feux de forêt.

 

Plus de 20 départs de feu sur le massif le 20 avril

La journée du 20 avril a connu 20 départs de feu sur l’ensemble du massif. C’est là, le questionnement le plus important que soulève cette journée. Ces départs ne sont pas dus à la foudre ; ils sont donc d’origine humaine. Avec souvent des imprudences et des malveillances.

Il faut rappeler que les incinérations des déchets verts sont strictement interdites pour les particuliers (règlement sanitaire et social et règlement de protection de la forêt contre les incendies, 2016)

Ces incinérations sont dangereuses et peuvent détruire des forêts menaçant des habitations, mettre en danger la vie des citoyens. Elles doivent être condamnées. Nous invitons les mairies à faire appliquer rigoureusement ces interdictions. Il n’est pas normal que les pompiers soient contraints de faire des reconnaissances de fumées lors des journées les plus dangereuses (10 en Gironde le 20/04/17).

Si les enquêtes assidues de la Gendarmerie ne sont pas terminées, force est de constater, que les départs du 20 avril en Médoc ne semblent pas être dus au hasard. Sur ce point, notons que depuis quelques années (2003) la justice traite avec attention les auteurs des mises à feu volontaires.

En plus des condamnations pénales les criminels doivent prendre en charge les frais occasionnés sur les peuplements, les pistes et les frais de lutte. A ce titre, nous invitons les propriétaires sinistrés, les DFCI, les communes à porter plainte.

Pour rappel, quelques condamnations prononcées ces dernières années :

– 4 ans de prison et 18 mois fermes et 90 000 € de frais de lutte pour l’incendiaire du Nord Gironde en 2015,

– 2 ans de prison dont 18 mois fermes et 280 000 € d’indemnités (50 000 € pour les sylviculteurs et 230 000 € pour le SDIS) pour les incendies de Naujac en 2015.

Les conditions dans lesquelles se sont développés les feux du 20 avril :

Notons 1075 ha incendiés à Cissac sur les communes de Cissac, Saint laurent Médoc, Saint Germain d’Esteuil, Hourtin, 40 ha à Saint Magne, 18 ha à Blanquefort.

Le feu de Cissac a été particulièrement violent, parti d’une zone industrielle il a parcouru 6 km en 8 heures avec de nombreuses sautes (cf photo).

 

Feu de Cisssac en avril 2017, ©DFCI 33

 

Plus de 74% des peuplements détruits sur Cissac ont moins de 20 ans, ce sont des arbres mis en place après la tempête de 1999. En raison de la faible humidité et du vent, le feu était un « embrasement généralisé » sur certains peuplements ; c’est-à-dire du sous-sol au houppier et générant un front de flammes dont la hauteur pouvait être aussi haute que les arbres, atteignant 24 à 30 m de hauteur de flamme. Dans ces conditions, aucun moyen mécanique ne peut arrêter l’incendie qui de surcroît génère son propre vent entraînant de nombreuses sautes de feu. Ces éléments expliquent l’étendue de la surface brûlée malgré l’engagement rapide et important des pompiers (221 sapeurs-pompiers, 45 engins, 1 hélicoptère avec des renforts de la zone de défense), 4 canadairs de la flotte nationale sont aussi venus combattre ces feux. Lors de la phase de lutte une sapeur-pompier a été blessée, deux camions détruits.

En plus de la lutte pendant la progression, les pompiers ont dû maintenir des moyens sur la zone incendiée afin de s’assurer de la parfaite extinction, pendant 4 jours..Ce maintien de moyens sur les zones incendiées est déterminant, il faut éviter que le feu reprenne sur les 16 km de périmètre.

La surveillance des zones incendiées a ensuite été faite sous la responsabilité des communes avec l’aide des ASA de DFCI. Nous tenons à remercier les Présidents d’ASA et les membres des ASA qui se sont investis au côtés des maires sur les communes de Cissac, Hourtin, St Germain, St Laurent, St Magne et de Blanquefort.

Nous tenons à les citer, ils sont trop souvent oubliés : Gérard BOUGES, Alain BERARD, Jean Pierre CAHIER, Olivier CRUZIN, Robert HAZERA, Gérard LARRUE, Patrick MAURIN, Bernard RABLADE, Jean Pierre LANTRES, Yves DARRIET.

 

Le feu de forêt est l’affaire de tous

Comme nous l’indiquons souvent en matière de DFCI (cf Forêt de Gascogne-Décembre/janvier 2016), les éléments techniques et organisationnels sont connus, il faut une volonté politique et financière de les mettre en œuvre. Le travail de prévention est essentiel, il doit se décliner à plusieurs échelles.

Lors des opérations d’aménagement du territoire, le risque feu de forêt doit être intégré dans les règlements des Plans Locaux d’Urbanisme (PLU), les SCOT.

Le débroussaillement autour des habitations et des axes de circulation doit être mis en œuvre. La DFCI travaille avec le SDIS, l’état et les départements pour que les actions de débroussaillement soient mises en œuvre telles que précisées dans le Règlement Interdépartemental de protection de la forêt contre les incendies.

Il faut accompagner les maires à mettre en œuvre ce débroussaillement, notamment autour des lotissements. Ce travail est à la charge des gestionnaires de routes et des propriétaires d’habitation y compris sur les fonds voisins. Les sylviculteurs doivent faciliter l’intervention sur leur terrain.

Pour les nouveaux projets d’aménagement, l’amélioration de l’accessibilité par la mise en place de bande périmétrale (5 m min) autour des opérations d’aménagement, en complément des mesures réglementaires de débroussaillement et d’accès tous les 500 m à la forêt, est de nature à faciliter la gestion d’un éventuel feu.

En termes de sylviculture, il est demandé de ne plus implanter d’arbres à moins de 4m de pistes et des routes (cf plaquette d’informations, www.dfci-aquitaine.fr).

L’aménagement du massif par un carroyage de piste et de point d’eau reste la base de la protection.

La DFCI actualise sa campagne de communication pour sensibiliser un public qui ignore souvent que la forêt est fragile et que les feux ne sont pas une fatalité. Ces affiches sont complétées par une information à l’arrière de camions réalisée avec le concourt de la société Atlantes, de l’Etat, du Conseil Régional de la Nouvelle Aquitaine.

En collaboration avec la Préfecture de Région, la DFCI actualise aussi son site internet (www.dfci-aquitaine.fr), et les messages de vigilance seront relayés sur les tweets de la Préfecture (@PrefAquitaine33). Pour la période estivale vous pourrez trouver le niveau de vigilance sur le site de la DFCI (www.dfci-aquitaine.fr)

La protection de la forêt contre les incendies est donc l’affaire de tous. Il convient d’investir en particulier en prévention dans l’aménagement du territoire, l’urbanisation. Il faut travailler sur les causes de départs de feu en informant le public et en condamnant fermement les délinquants.