Risques – Nouvelle-Aquitaine : Évaluation de l'impact des tempêtes de l'hiver 2013-2014 sur le littoral aquitain (8 ans après)

Evènements du territoire, Evolution côte sableuse, Evolution trait de côte, Mémoire des évènements

15/12/2023

Il y a 9 ans, le BRGM et l’ONF, opérateurs techniques de l’Observatoire de la Côte Aquitaine (OCA), ont procédé à une caractérisation des tempêtes de l’hiver 2013/2014 dont les conséquences sur le littoral ont été notables en termes d’érosion et/ou de submersion marine.

Falaise généralisée sur le pied de dune de la plage Nord, Montalivet, le 07/01/14 ©BRGM

 

Le présent travail entre dans le cadre du programme de l’Observatoire de la Côte Aquitaine (OCA), projet inscrit dans le cadre des Contrat de Projet Etat-Région (CPER) et des Fonds Européens de Développement Régional FEDER, financé par l’Etat, la Région Aquitaine, les Conseils départementaux de Gironde, des Landes et des Pyrénées-Atlantiques, le Syndicat Intercommunal du Bassin d’Arcachon, le BRGM et l’ONF. L’un des volets importants des opérations menées par l’OCA concerne le suivi des événements tempétueux sur le littoral aquitain (à l’origine des fortes vagues, vents importants, surcotes, etc.), pouvant occasionner des érosions (plage, dune), des mouvements de terrain et des submersions marines. Dans cette optique, une caractérisation des tempêtes survenues entre décembre 2013 et mars 2014 sur le littoral aquitain a été réalisée.

 

D’une manière générale, l’ensemble de la côte sableuse aquitaine a été fortement érodé à la suite de l’hiver 2013-2014. Le recul du trait de côte dépasse 20 m sur de nombreux sites et atteint localement jusqu’à près de 40 m (Soulac-sur-mer, la teste-de-Buch). Les plages se sont fortement abaissées et aplanies, limitant ainsi leur résistance aux assauts de l’océan.

En Gironde, l’érosion marine a été la plus forte. On note un recul du trait de côte dépassant souvent 20 m et atteignant par endroits 30 à 40 m. Au droit des profils, le contact plage/dune et la plage ont également vu leur altitude baisser. Une généralisation de falaises vives de grande hauteur et de très forte pente a été constatée. La tendance avant l’hiver 2013-2014 était déjà à l’érosion dans le Nord, entre Le Verdon-sur-Mer et Hourtin, tandis qu’on pouvait constater une relative stabilité, voire une tendance à l’accrétion, au Sud. Sur l’ensemble des profils suivis, seuls les secteurs G18 (Cap Ferret) et G20 (Wharf de la Salie) ne présentent pas de signe d’érosion particulière au moment des levés en avril 2014. Le secteur des Passes a cependant été fortement impacté avec des déstabilisations de l’enrochement de la Pointe du Cap Ferret et des brèches de la flèche sableuse du Mimbeau qui ont fait l’objet de confortement et de restauration d’urgence. De même, le nord de la Dune du Pilat à proximité du musoir de la Corniche a subi un recul du trait de côte atteignant 8 m mais en partie compensé à l’issu de l’hiver par des apports naturels de sable depuis le haut de la Dune.

Dans les Landes, l’érosion est globalement plus modérée que dans le Médoc. Les reculs du trait de côte y sont naturellement plus faibles. Au cours de l’hiver 2013-2014, ils sont toutefois importants par rapport aux années précédentes, de l’ordre de 10 à 15 m et par endroits, ils peuvent atteindre 25 m (e.g. profil L3 à Biscarrosse). On constate également un abaissement du niveau des plages ainsi que la formation de falaises vives entaillant le cordon dunaire sur une grande partie du département. Le nord du département (de Biscarrosse à Contis) présente une érosion plus forte que le sud qui, dans l’ensemble, montre des zones moins érodées au niveau du pied de dune, marquées seulement un abaissement du niveau de la plage. Toutefois, certains secteurs du sud présentent également un recul important du trait de côte, comme les profils L14 (Soustons-Plage) ou L18.1 (Les Colonies), ainsi que d’autres secteurs ou fronts de mer qui ne font pas l’objet de suivi dans le cadre de l’OCA tels que Messanges, Ondres, etc. La tendance avant l’hiver 2013-2014 était globalement à la stabilité dans les Landes, à l’exception de certains secteurs en érosion chronique comme Biscarrosse et Capbreton (L17 et L17.1), tandis que l’érosion est quasiment généralisée après l’hiver.

Fait intéressant, la situation en 2014 n’est pas systématiquement la plus érosive sur tous les secteurs. On constate en effet une érosion marquée lors du levé de 2010, avec des épisodes érosifs qui ont provoqué un recul plus important du trait de côte et/ou une perte de sable plus grande sur la plage sur certaines zones en Gironde et dans les Landes.

 

Carte de synthèse de l’érosion du trait de côte entre 2013 et 2014 sur la côte sableuse présentée par cellule et sous-cellule (encerclée) sédimentaire. Des points particuliers présentés en bleu pour l’évolution planimétrique et en vert pour l’évolution altimétrique

 

Hélisurface détruite au Petit Nice, la Teste-de-Buch (début 2014) – ©BRGM

 

Effondrement de bâtiments (club de surf, camping) sur la commune de Soulac-sur-mer- ©BRGM

 

Dans les Pyrénées-Atlantiques, la côte rocheuse basque n’a pas beaucoup évolué d’un point de vue géomorphologique à la suite de l’hiver 2013-2014. D’une manière générale, en dehors de ce contexte tempétueux, les plages sableuses de la côte basque situées au nord de la Pointe St Martin, ou en pied de falaise ou encore dans les baies sont caractérisées par une très forte variabilité naturelle des niveaux de sable en fonction des saisons et de l’énergie des vagues. L’interprétation des profils de plage au regard de l’impact des tempêtes de l’hiver 2013-2014 est donc à considérer avec précaution. Toutefois, du nord au sud, on constate une légère tendance à l’engraissement sur un secteur restreint, s’étendant des plages de Biarritz au nord jusqu’au secteur Milady au sud (frontière avec Bidart). Puis la tendance s’inverse avec une baisse générale du niveau de la plage jusqu’au secteur de Bidart Centre. Enfin, on note une relative stabilité des profils jusqu’à Hendaye.

L’abaissement quasi-généralisé de l’estran combiné à l’impact des vagues a néanmoins généré des dégâts importants sur l’ensemble des infrastructures des plages des huit communes concernées. Par ailleurs, les tempêtes ont probablement accéléré les mouvements de terrain des falaises rocheuses comme celle d’Erretegia à Bidart, suivie par l’Observatoire depuis 2011.

Comparaison diachronique des levés de pied de falaise – profil Ilbarritz P1, commune de Bidart

 

Destruction de la terrasse d’un restaurant de la jetée des Alcyons, Guéthary. ©BRGM

 

La caractérisation de l’impact des tempêtes survenues entre décembre 2013 et mars 2014 sur la côte aquitaine a été réalisée à partir d’une comparaison diachronique des campagnes annuelles de suivi géomorphologique du littoral. Malgré des conditions de houle et des niveaux d’eau qui n’étaient pas exceptionnels lorsque considérés individuellement (période de retour maximale identifiée de 20 ans pour la hauteur significative des vagues lors de la tempête Hercules – 6 janvier, à la bouée Cap Ferret), la succession rapprochée dans le temps des tempêtes a provoqué sur l’ensemble de la côte aquitaine, des conséquences notables voire exceptionnelles en termes d’érosion et/ou de submersion

Le caractère exceptionnel des tempêtes de l’hiver 2013-2014 provient de leur durée cumulée. En effet, sur la période étudiée, 4,7% des hauteurs significatives des vagues a dépassé le seuil de tempête déterminé dans cette présente étude (Hseuil2/3 = 5,86 m à la bouée Cap Ferret), ce qui est plus du double des proportions calculées les hivers passés (mesures bouée Cap Ferret pour les hivers 2008-2009, 2011-2012, 2012-2013 et base de données BoBWA pour les hivers de la période 1958-2002). D’autre part, la puissance de la houle estimée au cours de l’hiver 2013-2014 a été très nettement supérieure aux données historiques (200 kW ce qui est plus du double de la puissance de la plupart des hivers précédents), en revanche la direction de la composante énergétique de la houle est homogène avec celle des autres hivers (entre 277°N et 287°N).

 

Le rapport BRGM/RP-63797-FR « Évaluation de l’impact des tempêtes de l’hiver 2013-2014 sur la morphologie de la Côte Aquitaine » dont est issu l’ensemble des éléments présentés ci-dessus est accessible à l’adresse suivante : http://infoterre.brgm.fr/search/switch.htm?scope=9