Risques – Nouvelle-Aquitaine – Recul du trait de côte et changement climatique : quelle vulnérabilité pour le littoral du Bassin Adour-Garonne ?
Changement climatique, Evolution trait de côte
10/12/2018
Le recul du trait de côte concerne 24 % du littoral de France métropolitaine (Ifen, d’après Eurosion, 2004). L’intensité de ce phénomène naturel dépend essentiellement du type de côte et de son exposition aux agents dynamiques météo-marins. Par ailleurs, parmi les conséquences du changement climatique, l’élévation du niveau marin est la plus certaine et celle susceptible de produire les changements les plus importants sur les risques littoraux. Dans le cadre du Plan d’Adaptation au Changement Climatique (PACC), le BRGM a réalisé en 2017, avec le concours financier de l’Agence de l’Eau Adour-Garonne, une étude de la vulnérabilité du littoral au recul du trait de côte dans un contexte d’élévation du niveau marin à l’horizon 2050, à l’échelle du Bassin Adour-Garonne.
Le Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des eaux (SDAGE) Adour-Garonne 2016-2021 prévoit d’établir un Plan d’Adaptation au Changement Climatique (PACC) pour le bassin Adour-Garonne. Ce plan doit notamment définir les enjeux et les problématiques à traiter, et proposer des cartes de vulnérabilité. La cartographie de la vulnérabilité du littoral au recul du trait de côte dans un contexte de changement climatique alimente le volet littoral du PACC.
1/Sensibilité du littoral au recul du trait de côte
Le littoral du Bassin Adour-Garonne, tel que représenté sur la figure suivante, s’étend de la commune d’Yves au nord (Charente-Maritime), à la commune d’Hendaye au sud (Pyrénées-Atlantiques), où la frontière avec l’Espagne est matérialisée par l’estuaire de la Bidassoa.
Les contextes géomorphologiques et les données disponibles sur les environnements côtiers de ce linéaire ont conduit à distinguer 4 grands secteurs :
- La zone Pertuis-Estuaire (Charente-Maritime et estuaire de la Gironde) ;
- La côte sableuse girondine et landaise ;
- Le Bassin d’Arcachon ;
- La côte rocheuse basque.
L’érosion des côtes peut s’exprimer de deux façons distinctes : un recul vers l’intérieur des terres et un abaissement de l’estran. Pour des raisons d’homogénéité sur l’ensemble du littoral étudié, mais aussi en fonction des données disponibles, le phénomène retenu dans cette étude pour caractériser l’érosion côtière est le recul du trait de côte.
D’une manière générale, le trait de côte correspond à des indicateurs géomorphologiques révélateurs des limites terre-océan. Pour un travail cartographique, ces indicateurs doivent être identifiables sur différents supports tels que des images aériennes/spatiales et des données topographiques, ou encore à partir d’observations et de mesures de terrain.
Sur les différents secteurs d’étude, le trait de côte a ainsi été défini comme suit :
- Pour la côte sableuse, séparation entre la dune et la plage, correspondant selon la configuration géomorphologique à l’un et/ou l’autre des indicateurs suivants :
- pied de falaise dunaire ;
- rupture de pente topographique ;
- limite de végétation dunaire ;
- ouvrage de protection longitudinal ;
- Pour la côte rocheuse, séparation entre la falaise et l’estran, correspondant selon la configuration géomorphologique à l’un et/ou l’autre des indicateurs suivants :
- tête de falaise rocheuse ;
- ouvrage de protection longitudinal ;
- ou en fond de baie aux mêmes indicateurs que pour la côte sableuse : pied de falaise dunaire, rupture de pente topographique, limite de végétation ;
- Concernant le secteur Pertuis-Estuaire et le Bassin d’Arcachon, les indicateurs du trait de côte dépendent de l’environnement littoral dans lequel il évolue :
- indicateurs précités dans les secteurs de côte sableuse et de falaises rocheuses ;
- pied du cordon côte océan (rupture de pente topographique) en présence d’un cordon de galets ou sableux ;
- limite supérieure du schorre dans les marais maritimes ;
- limite côté océan des aménagements (pied des ouvrages) sur les côtes artificialisées.
A l’échelle du bassin Adour-Garonne, le trait de côte a été cartographié par numérisation des indicateurs précités essentiellement à partir d’orthophotographies récentes. Pour couvrir les 625 km du littoral, l’exploitation de données existantes a été privilégiée, il s’agit de traits de côte produits par l’Observatoire de la Côte Aquitaine, certaines collectivités locales et l’ONF. Les secteurs Pertuis-Estuaire et Bassin d’Arcachon ont été digitalisés dans le cadre de cette étude.
A l’origine de l’évolution du littoral existent deux principaux facteurs : l’exposition aux agents dynamiques météo-marins et la nature de l’environnement côtier. Le premier correspond à la connaissance des éléments naturels qui s’expriment à la côte, tels que les états de mer, la marée, le vent, et à la localisation du trait de côte en secteur abrité (Bassin d’Arcachon et zone inter-pertuis) ou non. La connaissance de l’environnement côtier fournit par ailleurs une première indication sur la sensibilité du littoral au recul du trait de côte. Par exemple et par nature, en Nouvelle-Aquitaine, la côte rocheuse est a priori moins sensible au recul que la côte sableuse.
La cartographie des environnements littoraux fournit donc une première information essentielle pour caractériser sa sensibilité à l’érosion côtière. Au nombre de neuf, chacun de ces environnements correspond à un contexte géomorphologique particulier, avec une dynamique d’évolution qui lui appartient :
- Plage de poche : la majorité des plages de poches de Nouvelle-Aquitaine correspondent à des plages sableuses délimitées par des caps rocheux ;
- Cordon de galets : bourrelet topographique formé par accumulation progressive de galets au fond des anciens golfes sous l’effet de la remontée du niveau marin depuis 18 000 ans, uniquement présents sur le littoral charentais ;
- Cordon sableux : bourrelet topographique sableux formé à la faveur de la remontée du niveau marin, tel que les cordons de galets, présents dans les zones Pertuis-Estuaire et Bassin d’Arcachon ;
- Dune littorale : Cordon sableux dont les dimensions plus grandes, la dynamique d’évolution plus active et la position en façade océanique ouverte le distingue de la typologie précédente ;
- Marais maritime : étendues littorales basses, très faiblement inclinées, périodiquement submergées, dues à des accumulations récentes de vase dans les secteurs abrités des côtes (Paskoff, 2006), cet environnement est présent dans les zones Pertuis-Estuaire et Bassin d’Arcachon ;
- Flèche sableuse : pointe sableuse formée par un transport sédimentaire significatif et la présence d’une zone de faible profondeur, associée souvent à un changement brutal d’orientation du trait de côte ;
- Grande flèche sableuse : environnement comparable au précédent mais dont les dimensions et la dynamique d’évolution sont plus importantes. La Pointe de Gatseau et la Pointe du Cap Ferret sont les deux seules grandes flèches sableuses identifiées sur le littoral Adour-Garonne.
- Falaise rocheuse : le contact entre l’océan et le continent s’effectue par des falaises rocheuses lorsque les formations géologiques du littoral sont particulièrement compétentes. C’est le cas des formations calcaires, marneuses, gréseuses du Jurassique (Pertuis-Estuaire), du Crétacé et du Tertiaire (Pertuis-Estuaire et Côte rocheuse basque), qui composent la majorité des falaises côtières du bassin Adour-Garonne ;
- Environnements artificiels : les deux environnements côtiers identifiés comme artificiels sont les ports et les polders. Les ouvrages associés à ces milieux ont provoqué une fixation du trait de côte.
Une fois le découpage du trait de côte en tronçons homogènes par environnement côtier, la dernière étape a consisté à caractériser plus précisément sa sensibilité au recul du trait de côte. Pour ce faire, la méthode proposée par le guide méthodologique PPRL (MEDDE, 2014) a été mise en œuvre. Elle repose sur la détermination d’un taux moyen annuel d’évolution Tx (en m/an) et la distance de recul lié à un évènement majeur Lmax (en m).
Cette méthode correspond par ailleurs à celle déjà mise en œuvre par l’Observatoire de la Côte Aquitaine dans une étude en 2016 (Bernon et al., 2016) sur les secteurs Côte sableuse et Côte rocheuse basque. Sur les secteurs Bassin d’Arcachon et Pertuis-Estuaire, les valeurs de ces paramètres ont été renseignées à l’aide de la bibliographie, ou à défaut d’information précises, définies à dire d’expert. L’hypothèse d’une évolution du littoral sans considération de l’action des ouvrages de protection côtière a été retenue. Le rôle des ouvrages n’a donc pas été pris en compte et les paramètres Tx et Lmax ont été déterminés à partir des évolutions constatées dans les zones naturelles adjacentes ou possédant des configurations similaires.
En définitive, la sensibilité du littoral au recul du trait de côte sur l’ensemble du littoral Adour-Garonne correspond à la distance de recul à l’horizon 2050 calculée à partir de ces paramètres.
2/ Sensibilité du littoral à l’élévation du niveau marin
Dans le cadre de l’Observatoire de la Côte Aquitaine, la revue des connaissances relatives à l’impact potentiel du changement climatique sur les aléas littoraux (Le Cozannet et al., 2017) met en évidence les fortes incertitudes sur les changements des conditions hydrométéorologiques moyennes et extrêmes futurs. Par ailleurs, à plus long terme, c’est l’élévation du niveau de la mer qui induira les changements les plus importants vis-à-vis des risques littoraux. Ainsi, l’objectif a été de définir à l’horizon 2050 la valeur d’élévation du niveau marin le plus précisément possible sur la base des connaissances actuelles.
Au niveau global, l’élévation du niveau marin a deux origines principales : la dilatation thermique des océans et la fonte des glaciers et des calottes polaires, qui sont, toutes deux, des conséquences du déséquilibre énergétique global induit par l’augmentation des concentrations de gaz à effets de serre dans l’atmosphère (Church et al., 2013).
La méthode développée a consisté à établir des hypothèses globales sur les contributions de chaque processus à l’élévation du niveau de la mer. Dans un second temps, les implications régionales de ces scénarios globaux sont estimées pour la Nouvelle-Aquitaine. Ensuite, des estimations des mouvements verticaux du sol sont intégrées pour proposer des scénarios applicables localement. Enfin, un calcul des empreintes spatiales de chacune de ces contributions, en région Nouvelle-Aquitaine, prend en compte les effets gravitationnels induits.
Le scénario retenu ici pour définir une valeur d’élévation du niveau marin est le scénario « intermédiaire » du GIEC RCP4.5, qui correspond approximativement aux émissions auxquelles les Etats se sont déjà engagés dans l’accord de Paris. Ce scénario ne permet donc pas d’atteindre l’objectif de 2°C, mais il suppose déjà une réduction des émissions de gaz à effets de serre très importante.
Selon ce scénario, sur la base des composantes à l’élévation du niveau marin présentées dans l’illustration précédente, une valeur médiane de 21 cm de l’élévation du niveau marin à l’horizon 2050 a été conservée.
Les conséquences de l’élévation du niveau de la mer sur la position du trait de côte dépendent de la nature de l’environnement géomorphologique dans lequel il se situe (cf. 1/). Une description de ces conséquences potentielles a donc été effectuée pour chacun des environnements du trait de côte en considérant une élévation du niveau marin de 21 cm à l’horizon 2050, selon une échelle de 1-faible exposition, 2-exposition modérée, 3-forte exposition. Elle définit l’exposition du littoral du bassin Adour-Garonne à l’élévation du niveau marin de 21 cm à l’horizon 2050. A titre d’exemple, les marais maritimes se sont vus attribuer une forte exposition (note de 3) en raison de leur topographie plane de faible altitude. Comparativement, les portions rocheuses du littoral – élevées de plusieurs mètres par rapport au niveau marin, sont en majorité faiblement exposées et ont reçues la note de 1.
3/ Cartographie de la vulnérabilité du littoral au recul du trait dans un contexte de changement climatique
La vulnérabilité du littoral au recul du trait de côte dans un contexte de changement climatique à l’horizon 2050 a été qualifiée par combinaison de la sensibilité du littoral au recul du trait de côte et de l’exposition à l’élévation du niveau marin de 21 cm, comme le présente la matrice suivante. Quatre classes de vulnérabilité ont ainsi été déterminées : faible, modérée, forte, très forte.
Sur les 625,0 km de côte du bassin Adour-Garonne, le littoral a été caractérisé :
- Faiblement vulnérable sur 10,1 % du littoral, correspondant pour plus de 80 % à des zones de falaises;
- Modérément vulnérable sur 28,8 % du littoral, dont les ¾ sont des cordons dunaires;
- Fortement vulnérable sur 42,9 % du littoral, regroupant pour l’essentiel des environnements de dunes littorales, de ports et de polders;
- Très fortement vulnérable sur 18,2 % du littoral, où près des ¾ du linéaire concerné sont formés par les dunes littorales et les flèches sableuses situées aux embouchures fluviales/estuariennes du bassin.
Consulter le rapport de l’étude : http://infoterre.brgm.fr/rapports//RP-67395-FR.pdf
Bibliographie
Bernon N., Mallet C., Belon, R., avec la collaboration de Hoareau A., Bulteau T. et Garnier C. (2016) – Caractérisation de l’aléa recul du trait de côte sur le littoral de la côte aquitaine aux horizons 2025 et 2050. Rapport final. BRGM/RP-66277-FR, 99 p., 48 Ill., 16 tab., 2 ann., 1 CD.
Church J. A., Clark P. U., Cazenave A., Gregory J. M., Jevrejeva S., Levermann A., Merrifield M. A., Milne G. A., Nerem R. S., Nunn P. D., Payne A. J., Pfeffer W. T., Stammer D. and Unnikrishnan A. S., 2013 – ‘Sea level change’, in: Stocker, T. F., Qin, D., Plattner, G.-K., et al. (eds), Climate change 2013: The physical science basis. Contribution of Working Group I to the Fifth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change, Cambridge University Press, Cambridge; New York, pp. 1137–1216.
Le Cozannet G., Bulteau T., Baills A. et Garcin M. (2017) – Conséquences du changement climatique sur les risques côtiers en Nouvelle-Aquitaine : état des connaissances. Rapport final BRGM/RP-66465-FR, 74 p., 27 ill., 3 tab.
Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable, et de l’Energie (2014) – Guide méthodologique : Plan de prévention des risques littoraux, 169 p.
Paskoff R. (2006) – Les littoraux. Impacts des aménagements sur leur évolution. Edition Armand Collin. Troisième édition revue et corrigée. 260 p.
Site internet
http://www.onml.fr/uploads/media/un_quart_du_littoral_recule_du_fait_de_l_erosion_01.pdf