Risques – Nouvelle-Aquitaine : Sensibilité régionale au phénomène de remontée de nappe

Inondations, Risques naturels

04/11/2019

Les inondations par remontée de nappe phréatique ne sont généralement pas brutales et ne menacent donc pas la vie humaine. Elles n’en constituent pas moins un risque réel au regard de l’importance des dégâts susceptibles d’être engendrés sur le bâti et de l’impact psychologique pour les sinistrés. Compte-tenu notamment du contexte géologique dans lequel elle s’inscrit, la Nouvelle-Aquitaine constitue une des nombreuses régions métropolitaines concernées par le phénomène.

Une inondation par remontée de nappe est une inondation causée par la montée à la surface du terrain naturel, voire au-dessus de celui-ci, du niveau d’une nappe d’eau souterraine (ou nappe phréatique). Le phénomène survient généralement à la suite de pluies abondantes et prolongées, dans une période où le niveau de la nappe est déjà initialement en situation de hautes eaux. Comparativement aux autres types d’inondations (par débordements de cours d’eau, par ruissellement, par submersion marine), elle se caractérise par une cinétique lente.

 

1/ Qu’est-ce qu’une remontée de nappe ?

Bien que connu antérieurement en France et à l’étranger, le phénomène de remontée de nappes a pris de l’ampleur dans la conscience collective française à l’occasion des inondations survenues fin 2000 et courant 2001 dans le Bassin parisien (Figures 1 à 3) et en particulier dans le bassin versant de la Somme. Dans ce secteur, la nappe de la craie a ennoyé les fonds de vallées, activant des sources dans des secteurs situés bien au-dessus des cotes d’émergence habituelles. Des écoulements sont aussi apparus dans le fond de vallées dites « sèches ». Ces inondations, qui ont duré plusieurs mois, sont intervenues après une succession d’années pluviométriques excédentaires ayant engendré une montée progressive du niveau de la nappe (Figure 4). Elles ont occasionné des désordres dans les zones cultivées (champs, jardins ouvriers…) mais aussi sur les infrastructures routières et ferroviaires (à commencer par des interruptions de trafic) et sur le bâti superficiel (habitations, sites industriels) et souterrain (caves, sous-sols) en zone urbaine (Figures 5 et 6).

Figure 1 : Inondations par remontée de nappe à Gouvieux en mai 2001 (Oise, BRGM)

 

Figure 2 : Inondations par remontée de nappe à Giberville en avril 2001
(Calvados, DREAL Basse Normandie)

 

Figure 3 : Réactivation des écoulements dans une vallée sèche des Hauts de France (2000-01, BRGM)

 

Figure 4 : Montée progressive du niveau de la nappe (jusqu’à débordement en 2001) au piézomètre de Senlis-le-Sec (Somme, ADES)

 

Figure 5 : Représentation schématique des phénomènes induits par la remontée d’une nappe phréatique (DREAL Basse-Normandie)

 

Figure 6 : Phénomène de remontée de nappe en zone alluviale © MEDD/DPPR

 

2/ Caractérisation et conséquences potentielles du phénomène de remontée de nappe

Les éléments présentés dans cette partie sont très largement inspirés du site Internet Géorisques (www.georisques.gouv.fr) qui propose une description et une caractérisation du phénomène de remontée de nappe à l’échelle du territoire français.

De façon générale, le phénomène d’inondation par remontée de nappes peut se caractériser par :

  • une inondation généralisée dans les vallées « humides », c’est-à-dire habituellement en eau, par une contribution exceptionnelle des eaux souterraines. C’est le cas typique de la vallée de la Somme ;
  • une ré-activation par des cours d’eau temporaires de certaines vallées sèches (valleuses développées dans les formations crayeuses de Normandie, de Picardie ou de Champagne, dans les formations carbonatées de Grande Terre en Guadeloupe), où habituellement les cours d’eau ne coulent plus en surface mais uniquement dans les fissures souterraines de la roche ou dans le réseau karstique sous-jacent ;
  • l’apparition de plans d’eau temporaires sur certains plateaux dans des zones de dépressions (dolines ou anciennes carrières) ;
  • l’apparition de lignes de sources dans les talwegs[1], bien en amont des sources habituelles.

[1] Un talweg correspond à la ligne joignant les points les plus bas d’une vallée ; elle peut être occupée par un cours d’eau ou un glacier.

 

Les facteurs favorables à son déclenchement qui le plus souvent évoqués sont les suivants :

  • une suite d’années à pluviométrie excédentaire, entraînant une élévation progressive des niveaux minimums annuels des nappes ;
  • une amplification des fluctuations annuelles du niveau de la nappe (ou battement), dépendant étroitement de la nature des roches : le pourcentage d’interstices de l’aquifère (on parle de porosité efficace de celui-ci) caractérise sa capacité à accueillir une quantité d’eau mobilisable importante ;
  • un volume contributif de la nappe conséquent à l’échelle du bassin versant hydrogéologique.

 

Des phénomènes secondaires peuvent être induits par la survenue d’une inondation par remontée de nappe. On peut citer par exemple :

  • des inondations à l’amont d’ouvrages de génie-civil franchissant des vallées sèches ou des vallons qui ne sont habituellement pas en eau. Lors des remontées de nappes, ces ouvrages peuvent former barrage et provoquer l’inondation de terrains situés en amont ;
  • des désordres sur le bâti et les infrastructures ferroviaires et routières (cf. figure 7), en lien avec une dégradation ou en tout cas une modification des capacités de portance du sous-sol due à la présence d’eau dans le milieu ;
  • des effondrements de marnières (cavités anthropiques creusées pour extraire de la craie ou de la marne), de carrières souterraines ou autres ouvrages souterrains ;
  • des remobilisations de polluants initialement présents dans des terrains non ennoyés (dans les sols notamment) et mis en mouvement par la remontée d’une nappe.

 

Figure 7 : Désordres survenus : à gauche, sur le bâti (Daours, 80),
ou, à droite, sur une infrastructure routière (Chouy, 02) (rapport BRGM RP-54414-FR)

De façon plus anecdotique, les crues par remontées de nappe peuvent rendre artésiens des forages, c’est-à-dire que l’eau souterraine, sous pression, jaillit naturellement au-dessus de la surface du sol.

Enfin, le tableau ci-après propose une comparaison des différents phénomènes d’inondations, dans leurs causes, conséquences et caractéristiques (Figure 8).

 

Figure 8 : Comparaison de différents phénomènes d’inondations (UEVD – Université Virtuelle Environnement et Développement Durable)

 

3/ Zones sensibles au phénomène de remontée de nappe

A l’échelle nationale, une carte des zones sensibles aux remontées de nappe a été dressée. Cette cartographie vise à identifier les secteurs dont les caractéristiques connues de la nappe libre (profondeur et amplitude du battement) sont telles qu’elles peuvent déterminer une émergence de la nappe au niveau du sol, ou une inondation des sous-sols à quelques mètres sous la surface du sol. Cette cartographie à l’échelle du 1/100 000ème est disponible en ligne sur le site Internet Géorisques (http://pubrec.georisques.fr/dossiers/inondations/cartographie_remontee_nappe). Un aperçu en est donné en figure 9. Les conditions d’utilisation de cette carte, relativement strictes compte tenu de la méthodologie employée à l’échelle nationale, sont précisées sur ce même site. Il n’existe pas de cartographie nationale ou régionale disponible actuellement à une échelle plus fine, adaptée à des considérations opérationnelles.

 

Notons que le phénomène peut se produire au sein de différents types de nappes :

  • au sein d’aquifères calcaires et/ou crayeux de volume et d’extension importants (telle que la nappe de la craie séno-turonienne dans le nord de la France ou les calcaires du Bathonien en Basse-Normandie) ;
  • en liaison avec des aquifères plus perméables et plus limités dans l’espace (tels que des formations calcaires tertiaires du Bassin de Paris), mais dans lesquels la présence d’un substratum perché au-dessus du fond de vallée ou peu profond impose un écoulement en surface du surplus d’eau d’infiltration.
  • dans des zones de socle (Morvan, massif Armoricain, etc.) susceptibles de présenter un fonctionnement similaire au cas des buttes tertiaires précédemment décrites ;
  • dans les nappes alluviales, particulièrement concernées par le phénomène de par leur faible profondeur et leur alimentation directe par les eaux de pluie, mais pour lesquelles une concomitance avec des inondations par ruissellement et/ou débordement de cours d’eau est possible et potentiellement plus difficile à distinguer.
Figure 9 : Carte nationale de sensibilité aux inondations par remontée de nappe

 

4/ Et en région Nouvelle-Aquitaine ?

Le site Internet de l’ORRNA met à disposition dans son espace de visualisation les événements du territoire recensés relativement aux remontées de nappe (figure 10). Ceux-ci se concentrent sur les départements de Gironde, des Landes et des Pyrénées-Atlantiques mais le recensement n’est pas exhaustif, les autres départements de la Région étant aussi concernés par le phénomène, comme le montre la carte nationale (cf. figure 11). La base GASPAR (Gestion ASsistée des Procédures Administratives relatives aux Risques), qui recense en particulier les arrêtés de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle pour inondations par remontée de nappe, identifie ainsi 54 arrêtés sur la Région Nouvelle Aquitaine, dont 3 portent sur la Charente, la Charente-Maritime et les Deux-Sèvres (cf. figure 12). Pour ces départements, il s’agit d’ailleurs d’évènements survenus en 2000 et 2001, soit concomitamment aux inondations du bassin de la Somme évoquées précédemment. Un exemple de survenue du phénomène de remontée de nappe dans le bassin versant du Clain est présenté sur le SIGES Poitou-Charentes (http://sigespoc.brgm.fr/spip.php?article25).

 

Ailleurs en Région Nouvelle-Aquitaine, les territoires karstiques et les contextes sédimentaires quaternaires tels que les plaines alluviales (Garonne, Dordogne, Adour…) ou le triangle Landais (sables plio-quaternaires) sont présumés favorables à la survenue d’une remontée de nappe, voire à l’aggravation de phénomènes d’inondations plus classiques par les processus de remontée de nappe. De nombreuses demandes communales de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle pour « remontée de nappe » ont ainsi été effectuées en 2013 et 2014 : on dénombre 48 arrêtés enregistrés dans la base GASPAR en Gironde, Landes et Pyrénées-Atlantiques (cf. figure 12) pour ces deux années, ce qui représente 89% de l’ensemble des arrêtés recensés dans la base. Ces années 2013 et 2014 correspondent à des années excédentaires en pluviométrie, comportant des épisodes pluvieux dont le cumul, dépassant le 9ème décile, est considéré comme exceptionnel par MétéoFrance (c’est par exemple le cas à Parentis-en-Born pour la période allant du 1er octobre 2013 au 02 février 2014). Les photographies présentées en figure 13 et issues du rapport BRGM RP-62453-FR illustrent la survenue du phénomène sur la commune de Biganos, dans l’aquifère sableux du Plio-Quaternaire, au début de l’année 2014.

 

En définitive, les évènements remarquables recensés sur le site de l’ORRNA sont ceux qui réunissent les trois conditions suivantes :

  • ils sont connus du BRGM ;
  • ils datent de 2013 pour les plus anciens ;
  • ils sont jugés importants au regard de l’étendue géographique touchée et/ou de l’intensité du phénomène.

 

Cette dernière condition est déterminée selon les critères suivants caractérisant le potentiel de désordres/dégâts associé à l’événement : durée de l’épisode d’inondation (persistance d’un niveau de nappe sub-affleurant voire affleurant), hauteur d’eau au-dessus du terrain naturel. Au-delà de l’emprise géographique touchée, les événements remarquables sont donc recensés soit au regard des désordres ou dégâts occasionnés, soit au regard de leur « potentiel » de désordres/dégâts (tenant compte ainsi des enjeux présents dans le secteur touché).

 

Figure 10 : Cartographie des évènements relatifs à un phénomène de remontée de nappe recensés en Nouvelle Aquitaine (ORRNA)

 

Figure 11 : Carte de sensibilité aux inondations par remontée de nappe : zoom sur la Nouvelle Aquitaine

 

Figure 12 : Nombre d’arrêtés de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle pour inondations par remontée de nappe en Région Nouvelle Aquitaine d’après la base GASPAR

 

Figure 13 : Inondations impliquant un phénomène de remontée de nappe sur la commune de Biganos début 2014 (rapport BRGM RP-64253-FR)

 

4/ Conseils en secteur d’inondation par remontée de nappes ?

Lorsqu’une remontée de nappe se produit et inonde des logements, elle peut durer plusieurs semaines si ce n’est plusieurs mois. Elle aura alors des effets similaires à ceux d’une inondation par crue de rivière (hormis la violence potentielle induite par la vitesse des eaux dans ce type de cas) mais le facteur temps ajoutera un effet supplémentaire. La macération du mobilier et la dégradation potentielle des matériaux de construction conduiront souvent à des dégâts irréversibles. L’eau issue des nappes peut aussi venir se mélanger avec le contenu des égouts et des fosses septiques.

Le rapport BRGM RP-54414-FR propose un certain nombre de conseils pour les secteurs sensibles au phénomène de remontée de nappes. En particulier, des actions préventives peuvent être mises en œuvre. Elles sont rappelées en figure 14.

 

Figure 14 : Que faire de façon préventive ? (extrait du rapport BRGM RP-54414-FR)